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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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générosité s’en verrait certainement plus déçue que remerciée. Il ajoutait qu’à la première occasion il viendrait en discuter avec elle.
    Jenny, retournée à ses préparations culinaires, s’y absorbait tant qu’elle ne prêta pas davantage l’oreille à la conversation provenant du petit salon qu’à Mary, ravie de pouvoir quant à elle en surprendre la teneur. D’autant plus que lady Read, justement, se lamentait sur le comportement de son aîné.
    — Tobias est impétueux, obstiné et coléreux, tout l’inverse de son défunt frère, confiait-elle à sa visiteuse. J’aurais voulu qu’il me donne un petit-fils, mais, depuis son veuvage, il refuse l’idée de se remarier, prétextant qu’il a tout son temps et aime sa liberté. Comme si cela était normal ! Je ne comprends pas son attitude désinvolte à l’égard des femmes. Il est discret, bien sûr, mais je devine aisément qu’il ne se conduit pas en moine, et se fait amant quand la bienséance le voudrait mari. Il se méfie d’elles, je crois, depuis la triste aventure de son frère. Je pense qu’il ne lui a pas pardonné de nous avoir préféré cette gourgandine. Je ne peux lui donner tort. Et cependant que pouvais-je faire face à ce dilemme ?
    — Ce que vous avez charitablement fait, la conforta son amie.
    — Ce pauvre enfant n’a pas de chance, soupira lady Read, il est né d’une traînée doublée d’une fainéante. J’ai à cœur de le tirer des griffes intéressées de cette mégère, mais pour combien de temps !
    Mary se crispa. Cecily ne méritait pas d’être injuriée de la sorte !
    — Tu as terminé ? demanda Jenny avec bienveillance, n’ayant quant à elle rien écouté, toute à ses propres pensées.
    Mary dissimula sa rancœur et sa colère derrière ce sourire qu’elle avait appris à façonner sur commande et réclama une tasse de lait supplémentaire.
    Quelques minutes plus tard, son précepteur s’annonça pour la leçon de géographie, et Mary le suivit en salle d’étude. Dans le corridor, ils croisèrent lady Read qui raccompagnait son amie. Les deux femmes saluèrent l’homme, puis leur souhaitèrent un bon travail, couvrant Mary d’un regard condescendant qui laissa au cœur de celle-ci davantage de haine que de gratitude.
     
    — En ta qualité de garçon, lady Read te donne ce qu’une fille ne peut avoir en ce monde ! Tu reçois les leçons des meilleurs maîtres, tu apprends à te battre aussi. Si j’avais su tout cela, Mary, si les femmes de ce temps avaient accès à cette connaissance, je serais libre. Nous serions toutes libres. Ne laisse pas passer cette chance, lui assura Cecily le soir même, comme Mary lui racontait l’objet de son courroux. Prends ce que l’on t’offre. Et nul, jamais, ne deviendra ton maître.
     
    Mary avait hoché la tête et était retournée chez lady Read.
     
    « Prends ce que l’on t’offre… »
     
    A partir de cet instant, elle décida que ce ne serait plus suffisant.
    Elle devint une élève exemplaire, dévorant la grammaire, l’arithmétique, le latin, le français, la géographie, l’astronomie, avec autant de boulimie que les buns délicieux laissés à volonté à sa portée.
    Le pasteur Reeves l’instruisit des Evangiles, et de la rigueur d’une foi protestante. Il était agréable et patient avec elle, mais Mary ne pouvait s’empêcher de penser que c’était davantage pour plaire à sa grand-mère, généreuse donatrice de la paroisse, que pour ses qualités propres.
    Lorsqu’il lui faisait réciter les dix commandements, l’enfant croisait ses doigts dans son dos pour annuler celui qu’elle piétinait sans scrupules : « Tu ne voleras point. »
    Mary n’avait pas choisi de naître pauvre. Si Cecily l’était restée, c’était à cause de ces principes imbéciles propres aux riches et de leur dégoût des mésalliances. Il était temps qu’elle rende à sa mère cette vie qu’on leur avait volée. Elle se mit donc à chaparder : du sucre, du chocolat, tout ce qui lui tombait sous la main et pouvait disparaître dans ses poches, tout ce qu’à l’office l’ingénuité de Jenny laissait à portée de sa solitude, comme si elle l’avait fait exprès.
    À quelque temps de là, Tobias Read s’annonça dans la demeure. Jenny lui offrit une révérence gracieuse.
    — Sir Tobias, dit-elle, votre visite nous honore.
    Mary se trouvait dans le vestibule, à peine déchaussée.
    Elle venait de prendre sa

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