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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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éléphants, deux cavaliers, deux guerriers rukhi et
huit soldats d’infanterie peyadeh étaient en or massif incrusté de
pierres précieuses. Les seize pièces d’en face, identiques, étaient en argent.
Je ne me souviens plus du prix qu’il en réclamait, mais il était ahurissant. Il
en possédait d’autres, en porcelaine, en jade, en bois précieux, en pur cristal
de roche. Leurs pièces, ciselées avec une admirable précision du détail,
représentaient monarques, généraux et soldats en armes telles des miniatures
presque vivantes.
    Il y avait aussi des marchands de bétail :
chevaux, poneys, ânes et chameaux bien sûr, mais aussi quantité d’autres
animaux. Certains ne m’étaient connus que de réputation, et je les découvrais
au naturel pour la première fois. Ce fut le cas, par exemple, d’un gros ours
hirsute que je trouvai d’une ressemblance frappante avec mon oncle Matteo,
d’une délicate espèce de daim appelée qazèl, que les gens achetaient
juste pour orner de leur grâce leurs jardins, et d’un chien sauvage jaune
dénommé shaqàl qui, une fois apprivoisé et dressé par un chasseur, était
capable de stopper et de tuer un sanglier en pleine charge. (Un chasseur persan
ne craint pas de défier seul et armé d’un simple couteau un lion, mais il
redoute par-dessus tout la rencontre avec un cochon sauvage. Le musulman, qui
répugne déjà par principe ne serait-ce qu’à parler de viande de porc,
estimerait d’une horreur inimaginable le fait de mourir déchiqueté sous les
défenses d’un sanglier.) Il y avait aussi sur ce marché des shuturmurq, mot
qui signifie « oiseau-chameau », tant il est vrai que cet animal
ressemble à un rejeton issu du croisement de ces deux espèces. L’oiseau-chameau
possède le corps, les plumes et le bec d’une oie géante, mais son long cou
dégarni et ses pattes interminables, aux pieds ouverts en canard, rappellent
irrésistiblement le chameau. Pas plus que ce dernier cette créature ne peut
voler. Selon Jamshid, l’animal n’était retenu captif que pour le seul avantage
qu’il pouvait procurer : les plumes ébouriffées qui poussaient sur sa
croupe. Des singes étaient également à vendre, qui ressemblaient à ceux que
certains marins ramènent parfois à Venise, où on les appelle simiazze, aussi
gros et vilains que des enfants d’Ethiopie. Jamshid les qualifiait pour sa part
de nedji, qui signifie « affreusement malpropre », mais il se
refusa à m’expliquer ce surnom et à me dire quel intérêt pouvait avoir un marin
ou un quidam à s’en procurer un.
    Le bazar était infesté de fardarbab, les
diseurs de bonne aventure. Il s’agissait généralement de vieillards aussi ridés
que des pommes gâtées, à barbe orangée, assis derrière des corbeilles contenant
un sable soigneusement tamisé. Le client prêt à laisser une pièce n’avait qu’à
secouer la corbeille, ondulant ainsi son contenu en motifs aléatoires. Le
voyant était alors capable d’y lire comme dans un livre et d’en délivrer
l’interprétation occulte. On voyait aussi beaucoup de ces vénérables derviches
mendiants, aussi galeux, crasseux, dépenaillés et peu engageants qu’ils peuvent
l’être dans n’importe quelle cité d’Orient. Ceux de Bagdad avaient une
particularité : ils dansaient, sautillaient, hurlaient et tournoyaient
comme des épileptiques en crise. C’était, je suppose, une sorte de spectacle
distrayant qu’ils offraient en échange de cette aumône qu’ils quémandaient avec
insistance.
    Avant même que nous eussions pu inspecter les articles
vendus sur le bazar, il nous fallut subir l’interrogatoire d’un officiel du
marché appelé percepteur de patentes, afin de lui prouver que nous étions non
seulement en mesure d’acheter, mais aussi de payer l’ajizya qui est une taxe
levée sur tout non-musulman, client ou marchand. Le wazir Jamshid, qui
était pourtant lui-même officiel de la cour, nous confia en aparté que ces
chefs au petit pied et autres employés municipaux étaient considérés par
l’ensemble du peuple avec le plus souverain mépris et qu’ils étaient surnommés
les batlanim, les « fainéants ». Lorsque mon père agita devant
son nez un petit sachet de musc avec lequel nous aurions pu acheter au moins
l’un de ces jeux au prix exorbitant, le percepteur de patentes grommela d’un
ton suspicieux :
    — Vous prétendez que c’est un Arménien qui vous a
offert cela ? Dans ce cas, il y a

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