Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
Vom Netzwerk:
trouvaient sous la main. En cette occasion elle s’était emparée d’un bâtiment abandonné. Ayant remplacé les carreaux de vitre qui manquaient par une partie du linge sale qu’elle avait à blanchir, elle avait réussi à écarter la rigueur du froid qui commençait à être sévère, et à se former ce qu’on appelait un logement élégant .
    Les soldats étaient placés dans les granges du village, et les officiers s’étaient réunis à l’hôtel Flanagan , qu’ils appelaient en plaisantant le quartier-général.
    Il n’existait pas un seul cavalier dans tout le corps que Betty ne connût, et dont elle ne sût le nom de baptême, le nom de famille et le nom de guerre, et quoiqu’elle parût insupportable à tous ceux à qui l’habitude n’avait pas rendu ses vertus familières, elle était la favorite déclarée de tout le corps. Ses défauts étaient un penchant irrésistible pour la boisson, une malpropreté sans égale et une licence sans bornes dans ses expressions ; mais ils étaient rachetés par quelques bonnes qualités ; un amour ardent pour sa patrie adoptive, un excellent cœur et des principes d’honnêteté à sa façon dans son trafic avec les soldats. Elle avait, en outre, le mérite d’avoir inventé ce breuvage si connu aujourd’hui de tous ceux qui voyagent pendant l’hiver entre les capitales commerciales et politiques de ce grand pays, et auquel on a donné le nom de cock-tail . L’éducation et les circonstances avaient concouru à mettre Élisabeth Flanagan en état de faire un si grand pas dans la composition des liqueurs : car dès son enfance elle avait fait connaissance avec ce qui était le principal ingrédient de celle-ci, et ses pratiques de Virginie lui avaient appris à rendre justice à la saveur de la menthe, depuis un humble julep jusqu’à la boisson plus parfaite dont il s’agit. Telle était Betty Flanagan, qui, en dépit d’un vent glacial du nord, montra son visage rubicond à la porte de son hôtel pour recevoir son favori, le capitaine Lawton, arrivant avec le docteur Sitgreaves.
    – Par toutes mes espérances d’avancement, Betty, s’écria-t-il, je suis ravi de vous voir ! Cette maudite bise venant du Canada m’a glacé jusqu’à la moelle des os ; mais la vue de votre rouge trogne me réchauffe comme une bûche de Noël.
    – Je sais bien, capitaine Jack, dit la vivandière en tenant la bride de son cheval, que vous avez toujours le gosier plein de compliments ; mais dépêchez-vous d’entrer, les haies ne sont pas si solides dans ce canton que dans les montagnes, et vous trouverez dans la maison de quoi vous réchauffer le corps et l’âme.
    – Ainsi vous avez mis les haies à contribution pour faire du feu, dit le capitaine ; cela peut être utile pour le corps ; mais quant au surplus, je viens de caresser une bouteille de cristal taillé, placée sur un plateau d’argent, et je crois que d’ici à un mois votre whiskey ne me tentera point.
    – Si c’est à l’or et à l’argent que vous pensez, je n’en ai guère, quoique je ne sois pas tout à fait sans papier des États ; mais, dit Betty avec un coup d’œil expressif, ce que j’ai à vous offrir mériterait d’être servi dans des vases de diamant.
    – Que veut-elle dire, Archibald ? demanda vivement Lawton, au docteur. La pie borgne semble vouloir nous donner à entendre plus qu’elle n’en dit.
    – C’est sans doute une aberration des facultés de la raison, occasionnée par l’usage trop fréquent des liqueurs fortes, répondit le docteur en passant lentement la jambe gauche par-dessus sa selle pour descendre du côté droit.
    – Bien, mon bijou de docteur, dit Betty en faisant un signe d’intelligence au capitaine ; je vous attendais de ce côté, quoique tous les dragons descendent de l’autre. Mais j’ai eu bien soin de vos blessés en votre absence, je les nourris comme des rois.
    – Stupidité barbare ! s’écria le docteur, donner de la nourriture à des gens dévorés par une fièvre brûlante ! Femme, vous mettriez en défaut Hippocrate lui-même.
    – Voilà bien du bruit pour quelques gouttes de whiskey, répliqua Betty sans se déconcerter. Je ne leur en ai donné qu’un galon, et ils sont au moins une vingtaine. C’était pour les faire dormir, en guise de suppuratif , comme vous dites.
    Lawton et le docteur entrèrent dans l’hôtel Flanagan , et les premiers objets qu’ils aperçurent leur expliquèrent le sens caché

Weitere Kostenlose Bücher