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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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des agréables promesses de la vivandière. Une longue table, formée par des planches arrachées d’une cloison, occupait le milieu du plus grand appartement de la maison, et l’on y voyait étalé le peu de vaisselle de faïence que possédait la maîtresse du logis. Un fumet agréable sortait d’une pièce voisine servant de cuisine ; mais ce qui attirait surtout l’attention, c’était une dame-jeanne de belles dimensions que Betty avait placée avec ostentation sur un escabeau au milieu de la table, comme étant l’objet qui méritait de fixer les regards. Lawton apprit bientôt que la liqueur qui s’y trouvait était le véritable jus de la grappe, et que c’était une offrande envoyée des Sauterelles au major Dunwoodie, par son ami Wharton, capitaine de l’armée royale.
    – Et c’est un présent vraiment royal, ajouta le sous-officier qui lui donnait ces détails. Le major nous régale en l’honneur de la victoire que nous avons remportée, et vous voyez que, comme de raison, c’est l’ennemi qui en fait les principaux frais. Mille dieux ! s’écria-t-il en se frappant l’estomac, quand nous aurons là quelques cartouches de cette munition, je crois que nous serions en état d’aller enlever sir Henry dans son quartier-général.
    Lawton ne fut nullement fâché de trouver l’occasion de finir la journée aussi agréablement qu’il l’avait commencée. Il fut bientôt entouré de ses camarades, avec lesquels il entra en conversation, tandis que le docteur faisait sa ronde pour visiter les blessés. Le feu qui brûlait dans une immense cheminée était si brillant, et jetait une flamme si vive qu’on n’avait pas eu besoin d’allumer de chandelles. Les militaires rassemblés dans cette salle étaient, pour la plupart, des jeunes gens, tous d’une bravoure éprouvée, au nombre de douze ou quinze, et leurs manières ainsi que leurs discours offraient un singulier mélange du savoir-vivre d’une ville et de la rudesse d’un camp. Leur costume était propre quoique simple, et le sujet intarissable de leur conversation était les qualités et les exploits de leurs chevaux. Les uns cherchaient à dormir, étendus sur des bancs placés le long des murs ; d’autres se promenaient dans les appartements ; plusieurs discutaient vivement des questions relatives à leur profession. De temps en temps la porte de la cuisine s’ouvrait, on entendait le bruit de la friture qui criait dans la poêle, et un nuage de vapeurs odoriférantes se répandait dans le salon. Alors toutes les conversations étaient interrompues, tous les regards se dirigeaient vers le sanctuaire, et les dormeurs même entr’ouvraient les yeux pour reconnaître l’état des préparatifs.
    Dunwoodie, assis au coin du feu, semblait se livrer à ses réflexions, et aucun de ses officiers n’osait chercher à l’en distraire. Dès que Sitgreaves était entré, il lui avait fait un grand nombre de questions sur l’état de la santé du capitaine Singleton. Pendant ce temps, un silence respectueux avait régné dans toute la salle ; mais dès qu’il eut été reprendre la place qu’il occupait auparavant, on vit renaître le ton d’aisance et de liberté qui avait régné jusqu’alors.
    L’arrangement de la table ne donna pas grand embarras à mistress Flanagan, et César aurait été étrangement scandalisé, s’il avait vu des mets ayant une ressemblance frappante les uns aux autres, servis sans cérémonie devant tant de personnages de considération. Cependant en prenant place à table, chacun eut soin de ne se mettre qu’au rang auquel son grade lui donnait droit ; car malgré la liberté qui régnait dans un festin de réjouissance, les règles de l’étiquette militaire étaient toujours observées avec un respect presque religieux.
    La plupart des convives avaient jeûné trop longtemps pour être bien difficiles ; mais il n’en était pas de même du capitaine Lawton. Les mets préparés par les mains de Betty lui causèrent un dégoût invincible ; il ne put s’empêcher de faire une remarque en passant sur la rouille qui rongeait les couteaux et sur la poussière qui couvrait les assiettes. Le bon caractère de Betty et l’affection naturelle qu’elle portait au coupable lui firent pourtant supporter quelque temps cette mortification en silence. Mais enfin Lawton, en baillant, se hasarda de prendre une tranche d’une viande noirâtre qui était placée devant lui, et après en avoir fait

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