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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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capitaine en mettant le billet dans sa poche, c’est quelque mauvais plaisant qui s’imagine effrayer ainsi deux officiers des dragons de Virginie. Mais à propos, monsieur le docteur Archibald Sitgreaves, permettez-moi de vous dire que vous aviez formé le projet de disséquer un bien honnête garçon.
    – Quoi ! le colporteur ! un espion au service de l’ennemi ! Je crois que j’aurais fait trop d’honneur à un pareil homme en faisant servir ses restes à propager les lumières de la science.
    – Il peut être espion, il l’est sans doute, dit Lawton d’un air distrait ; mais il a un cœur élevé au-dessus de tout ressentiment, une âme qui ferait honneur à un brave soldat.
    Sitgreaves, pendant que son compagnon faisait ce soliloque, le regardait d’un air qui semblait lui en demander l’explication, mais les yeux du capitaine étaient fixés sur un autre rocher qui s’avançant considérablement dans la vallée, semblait obstruer la route qui tournait autour de sa base.
    – Ce que le cheval ne peut escalader, le pied de l’homme peut le gravir, s’écria le prudent partisan. Se jetant de nouveau à bas de son cheval, et sautant par-dessus un petit mur de pierres, il commença à gravir le rocher pour arriver à un endroit d’où il aurait pu découvrir à vol d’oiseau toutes les hauteurs de la vallée et voir toutes les fentes et toutes les crevasses des montagnes.
    À peine avait-il fait ce mouvement qu’il vit un homme fuir rapidement devant lui et disparaître de l’autre côté du rocher.
    – Au galop ! Sitgreaves, au galop ! s’écria-t-il en poursuivant le fuyard et en sautant légèrement par-dessus tous les obstacles qui s’opposaient à sa course ; sabrez ce brigand s’il fuit de votre côté.
    Le docteur piqua des deux, et au bout de quelques instants il aperçut un homme armé d’un mousquet, traversant la route et cherchant évidemment à gagner un bois épais qui était de l’autre côté.
    – Arrêtez ! mon ami, arrêtez ! attendez que le capitaine Lawton soit arrivé ! s’écria Sitgreaves en le voyant fuir avec une rapidité qui lui laissait peu d’espoir de l’atteindre. Mais le piéton, comme si cette invitation lui eût inspiré une nouvelle terreur, redoubla d’efforts et ne s’arrêta même pour respirer qu’après être arrivé au bout de sa course. Se retournant alors tout à coup il tira son coup de fusil du côté du docteur et disparut dans le bois en un instant. Il ne fallut qu’un moment à Lawton pour regagner la route et remonter à cheval, et il arriva près de son compagnon justement comme le fugitif n’était plus visible.
    – De quel côté s’est-il enfui ? s’écria-t-il.
    – John, dit le docteur, ne suis-je pas un officier non combattant ?
    – De quel côté s’est enfui le misérable ? répéta Lawton avec impatience.
    – Où vous ne pouvez le suivre, dans le bois, répondit le chirurgien. Mais, je vous le demande encore, John, ne suis-je pas un officier non combattant ?
    Le capitaine désappointé, voyant que son ennemi était hors d’atteinte, tourna ses yeux encore animés de colère de dessous ses sourcils froncés vers son compagnon, et ses muscles perdirent peu à peu leur rigidité, les plis de son front s’effacèrent, et ses yeux perdant leur expression courroucée, prirent cet air de sourire ironique qu’ils exprimaient si bien et si souvent. Le docteur était en selle avec un air de dignité calme, sa taille maigre bien redressée, la tête levée et comme indigné qu’on ne lui rendît pas plus de justice ; la rapidité de sa course avait fait avancer ses lunettes jusqu’à l’extrémité du long membre qui les soutenait, et le rayon visuel qui passait par-dessus brillait d’indignation.
    Un léger effort remit à leur place tous les muscles de la face du capitaine, et il rompit le silence en disant :
    – Pourquoi avez-vous laissé échapper ce bandit ? Si vous l’aviez amené à portée de mon sabre, je vous aurais fourni un remplaçant pour le colporteur.
    – Comment pouvais-je l’empêcher de fuir ? répondit Sitgreaves en lui montrant la barricade devant laquelle il s’était arrêté. Il a franchi cette barrière et m’a laissé où vous me trouvez. Il n’a pas même daigné faire attention à l’invitation que je lui ai faite de vous attendre, ni à l’avis que je lui ai donné que vous désiriez lui parler.
    – En vérité ! s’écria Lawton en affectant un ton de

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