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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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surprise ; c’est un drôle bien peu poli ! Mais pourquoi n’avez-vous pas vous-même franchi cette barricade pour le forcer à s’arrêter ? Vous voyez qu’elle n’a que trois barres. Betty Flanagan montée sur sa vache aurait sauté par-dessus.
    Pour la première fois les yeux du docteur s’éloignèrent de l’endroit où il avait vu le fuyard disparaître, et se tournèrent vers le capitaine ; mais sa tête ne baissa pas d’une ligne.
    – Capitaine Lawton, dit-il, il me semble que mistress Flanagan et sa vache ne sont pas des modèles à citer au docteur Archibald Sitgreaves. Que dirait-on d’un docteur en chirurgie qui se serait fracturé les deux jambes en les frappant indiscrètement contre une pièce de bois formant la partie supérieure d’une barricade ?
    Tout en parlant ainsi, le chirurgien étendit les membres en question dans une position presque horizontale, d’une manière qui lui aurait véritablement rendu plus que difficile de faire ce saut périlleux. Mais le capitaine, sans faire attention à l’impossibilité de ce mouvement, s’écria sur-le-champ :
    – Une telle barrière ne pouvait vous arrêter ; je la ferais sauter par un escadron tout entier de cavalerie. J’ai, ma foi, rencontré bien souvent de plus grandes difficultés en chargeant une infanterie hérissée de baïonnettes.
    – Capitaine John Lawton, dit le docteur avec un air de dignité offensée, il vous plaira de vous souvenir que je ne suis ni le maître d’équitation du régiment, ni le sergent chargé de montrer l’exercice ni un jeune cornette sans cervelle, ni (et je le dis avec tout le respect dû à une commission émanée du congrès) un capitaine qui ne fait pas plus de cas de sa vie que de celle de ses ennemis. Je ne suis, Monsieur, qu’un pauvre homme de lettres, un simple docteur en chirurgie, un humble gradué de l’université d’Édimbourg, un chirurgien-major d’un régiment de dragons ; rien de plus, je vous l’assure. À ces mots il tourna la tête de son cheval du côté des Sauterelles et se remit en marche.
    – Et c’est bien la vérité, murmura Lawton à voix basse ; si j’avais eu avec moi le moins brave de mes dragons, le coquin aurait reçu le châtiment qu’il mérite, et j’aurais du moins donné une victime aux lois offensées de mon pays. Mais, Archibald, on ne peut prétendre savoir monter à cheval en s’y tenant ainsi les jambes écartées comme le colosse de Rhodes. Il faut moins appuyer sur les étriers, et serrer davantage les genoux contre les flancs du coursier.
    – Avec toute la déférence possible pour votre expérience, capitaine Lawton, je crois que je suis juge assez compétent de l’action des muscles du genou et de toutes les autres parties du corps humain ; et quoique je n’aie reçu qu’une éducation bien ordinaire, je sais pourtant fort bien que plus la base a d’étendue, plus l’édifice a de solidité.
    – Mais, que diable ! en suivant de tels principes vous occuperez avec deux jambes l’espace qui suffirait pour une demi-douzaine. Vos jambes ressemblent aux faux dont les chevaux des anciens étaient armés.
    Cette allusion classique adoucit un peu l’indignation du docteur, et il répondit avec moins de hauteur :
    – Il faut toujours parler avec respect des usages adoptés par ceux qui ont vécu avant nous ; car quoiqu’ils ne fussent pas éclairés par les lumières de la science et notamment de la chirurgie, on y trouve des exceptions brillantes aux superstitions de nos jours. Je ne doute pourtant pas que Galien n’ait eu à traiter des blessures occasionnées par les faux dont vous parlez, quoique aucun des auteurs contemporains n’en ait fait mention, et je ne doute pas qu’il n’en soit résulté des accidents très-graves qui devaient cruellement embarrasser les praticiens de ce temps.
    – Il n’y avait pas en cela beaucoup de science, dit Lawton avec le plus grand sérieux ; ces malheureuses faux pouvaient d’un seul coup trancher le corps d’un homme, après quoi il ne s’agissait plus que de réunir les deux parties ; et je ne doute point que ces messieurs n’en vinssent à bout.
    – Quoi ! s’écria Sitgreaves, réunir deux parties du corps humain séparées par un instrument tranchant, et les rendre susceptibles de remplir les fonctions de la vie animale !
    – Oui, dit Lawton, réunir deux parties séparées par une faux, et les mettre en état de s’acquitter de leurs devoirs

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