L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
compte à sir Henry de tout ce que vous avez vu, ou je ne suis pas lieutenant de dragons.
– Ferai-je feu pour effrayer le colporteur, demanda un des cavaliers en prenant son pistolet d’arçon.
– Oui, oui, répondit Mason ; effarouchez les oiseaux, faites les partir de leur branche, et voyons comme ils prendront leur vol. Le dragon tira son coup de pistolet.
– De par le ciel ! s’écria le lieutenant, je crois que les drôles rient à nos dépens. Allons, allons, il faut nous retirer, sans quoi ils pourraient bien nous faire rouler des pierres sur la tête, et les gazettes royales rendraient un compte pompeux de la défaite d’un régiment de rebelles mis en déroute par deux royalistes. Elles ont déjà fait de plus sots mensonges.
Obéissant à l’ordre de leur officier, les dragons se remirent en marche avec un air de dépit pour retourner d’où ils étaient partis, Mason réfléchissant sur ce qu’il devait faire en pareille circonstance. La nuit tombait quand ils arrivèrent à la ferme, devant laquelle étaient réunis en grand nombre des officiers et des soldats, les uns racontant, les autres écoutant des récits exagérés de l’évasion de l’officier anglais. Les dragons qui arrivaient rendirent compte de leur poursuite infructueuse avec un air de sombre mortification, et la plupart des officiers se groupèrent autour de Mason pour délibérer sur ce qu’il y avait à faire. D’une fenêtre qui donnait directement au-dessus de leur tête, miss Peyton et Frances écoutaient et observaient tout ce qui se passait, avec un intérêt qui leur permettait à peine de respirer, et elles s’y étaient placées de manière à n’être pas aperçues.
– Il faut prendre un parti, et cela sans perdre de temps, dit le colonel du régiment d’infanterie qui était campé en face de la ferme. Cet officier anglais a sans doute servi d’instrument pour le grand coup que l’ennemi voulait frapper dernièrement. D’ailleurs notre honneur est compromis par son évasion.
– Il faut battre les bois, s’écrièrent plusieurs officiers, et avant le jour nous les aurons dénichés tous deux.
– Doucement, Messieurs, doucement, dit le colonel ; il est impossible de traverser ces montagnes pendant la nuit sans bien connaître le terrain. Il n’y a que la cavalerie qui puisse faire ce service, et je présume que le lieutenant Mason hésite à marcher sans en avoir reçu l’ordre de son major.
– Certainement, je n’oserais le faire, répondit le lieutenant en secouant gravement la tête, à moins que vous ne preniez sur vous toute la responsabilité en m’en donnant l’ordre. Mais le major Dunwoodie sera de retour dans deux heures, et nous pouvons répandre le bruit de cet événement dans toutes les montagnes avant le lever du soleil. En envoyant des patrouilles d’une rivière à l’autre, et en offrant aux paysans une récompense pour l’arrestation des deux fugitifs, il sera impossible qu’ils nous échappent, à moins qu’ils ne réussissent à joindre le détachement anglais qui est sur l’Hudson.
– Le plan est fort bon, dit le colonel, et il doit réussir ; mais il faut envoyer un exprès à Dunwoodie pour qu’il ne reste pas au passage du bac jusqu’à ce qu’il soit trop tard, et très-probablement les fugitifs resteront toute la nuit sur les montagnes.
Mason suivit cet avis. Il fit partir un cavalier d’ordonnance pour porter au major la nouvelle importante de l’évasion de Henry, et lui annoncer que sa présence était indispensable pour donner les ordres nécessaires pour le poursuivre. Après cet arrangement, les officiers se séparèrent.
Lorsque miss Peyton et Frances apprirent la fuite de Henry, à peine en purent-elles croire le témoignage de leurs sens. Elles comptaient si positivement sur le succès des efforts de Dunwoodie qu’elles regardèrent cette démarche comme extrêmement imprudente ; mais il était trop tard pour y remédier. En écoutant la conversation des officiers, toutes deux furent frappées de l’idée que si Henry était de nouveau fait prisonnier, sa situation n’en deviendrait que plus dangereuse, et elles tremblaient en songeant à tous les moyens qu’on mettrait en œuvre pour l’arrêter encore une fois.
Miss Peyton se consolait et tâchait de consoler sa nièce, par l’espoir assez probable que les fugitifs, mettant dans leur course la plus grande célérité, pourraient gagner ce qu’on appelait le territoire
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