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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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neutre avant que la cavalerie y eût porté la nouvelle de leur fuite : l’absence de Dunwoodie en ce moment lui paraissait une circonstance de la plus grande importance, et la bonne tante cherchait à imaginer quelque moyen pour retenir le major, et donner ainsi à son neveu plus de temps pour s’échapper. Les réflexions de Frances étaient toutes différentes. Elle ne pouvait plus douter que l’individu qu’elle avait vu deux fois sur la montagne en face de la ferme ne fût Harvey Birch, et elle se sentait convaincue que son frère, au lieu de courir vers les troupes royales, passerait cette nuit dans la chaumière mystérieuse.
    Frances et sa tante eurent une conversation longue et animée sur ce sujet. Enfin, miss Peyton, cédant aux instances de sa nièce, quoique avec difficulté, la serra dans ses bras, embrassa sa joue froide, lui donna sa bénédiction avec ferveur, et consentit qu’elle exécutât un projet que lui avait inspiré l’amour fraternel.

CHAPITRE XXX
    Égaré, perdu, je parcours d’un pas lent et faible ces déserts solitaires dont les bornes semblent reculer à mesure que j’avance.
    GOLDSMITH. Le Voyageur .
    La nuit était froide et obscure, lorsque Frances Wharton, le cœur ému, mais d’un pas léger, traversa le petit jardin derrière la ferme qui avait servi de prison à son frère, et se dirigea vers la montagne sur laquelle elle avait vu l’individu qu’elle croyait être le colporteur. Il était encore de bonne heure ; mais l’obscurité et le froid piquant d’une soirée de novembre l’auraient déterminée à retourner sur ses pas avec terreur dans toute autre circonstance, si elle n’eût pas été soutenue par de si puissants motifs. Sans s’arrêter pour réfléchir, elle courut avec une vitesse qui semblait braver tous les obstacles, sans se donner un instant de repos pour reprendre haleine, jusqu’à ce qu’elle fût arrivée à mi-chemin du rocher qu’elle avait remarqué comme étant l’endroit où Birch s’était montré à ses yeux dans la matinée de ce même jour.
    Le respect pour les femmes est une des marques les plus certaines de la civilisation d’un peuple, et nul ne peut se vanter de posséder cette vertu à un plus haut degré que les Américains. Frances ne craignit rien de la part du régiment d’infanterie qui prenait tranquillement son repas du soir sur le bord du chemin, en face du champ qu’elle traversait. Ce corps était composé de ses concitoyens, et elle savait que les soldats de la milice orientale respecteraient son sexe ; mais elle avait moins de confiance dans le caractère léger et entreprenant de la cavalerie des provinces du sud : et quoiqu’il fût très-rare qu’une femme eût eu à se plaindre d’avoir été outragée ou insultée par un soldat américain, elle n’en frémissait pas moins à la seule idée de s’exposer toute seule. Quand donc elle entendit le bruit des pas d’un cheval marchant lentement derrière elle, elle se retira par timidité dans un bouquet de bois qui croissait sur les rives d’un ruisseau descendant d’une hauteur peu éloignée. C’était une vedette qui passa sans la remarquer, et dans le fait elle s’était vêtue de manière à attirer le moins d’attention possible. Le cavalier continua sa route en fredonnant un air à demi-voix, pensant peut-être à quelque autre belle qu’il avait laissée sur les bords du Potomac dans la fleur de sa beauté.
    Frances écouta avec inquiétude le bruit de ses pas qui s’éloignaient, et dès qu’elle cessa de les entendre, elle quitta sa retraite et avança encore à quelque distance. Mais enfin, effrayée par les ténèbres qui s’épaississaient et par le silence qui régnait autour d’elle, elle s’arrêta pour réfléchir sur ce qu’elle avait entrepris. Se dégageant la tête du capuchon de sa mante, elle s’appuya contre un arbre, et fixa ses regards sur le sommet de la montagne qui était le but de son excursion nocturne. Elle s’élevait dans la plaine comme une vaste pyramide dont l’œil ne pouvait qu’imparfaitement distinguer les contours. On pouvait en discerner la cime un peu mieux, parce qu’elle se dessinait sur un fond de légers nuages entre lesquels on voyait de temps en temps briller quelques étoiles, bientôt cachées par des vapeurs que le vent chassait devant lui. Si elle retournait sur ses pas, Henry et le colporteur passeraient probablement la nuit dans une fatale sécurité sur cette montagne sur

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