L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
qu’elle retentit aux oreilles de César qui était à une fenêtre des Sauterelles. Le nègre avait perdu toute sa confiance dans la timidité supposée du capitaine Lawton, et il croyait encore le voir sortir de derrière son rocher en brandissant son sabre sur sa tête.
Tandis que la ligne anglaise avançait lentement dans le plus bel ordre, les guides commencèrent un feu meurtrier dont l’effet se fit cruellement sentir à la portion des troupes royales qui se trouvait de leur côté. Écoutant les avis du vétéran qui avait le commandement en second de son corps, Wellmere ordonna à deux compagnies de déloger les Américains de leur embuscade. Ce mouvement occasionna une légère confusion, et Dunwoodie saisit cette occasion pour faire une charge. Il aurait été difficile de trouver un terrain plus favorable pour les manœuvres de la cavalerie, et l’attaque des Virginiens fut irrésistible : elle fut dirigée principalement sur le flanc opposé du bois, afin de ne pas exposer les Américains au feu de leurs compagnons qui y étaient cachés. Wellmere était sur la gauche de sa ligne, et il fut renversé par l’impétuosité furieuse des assaillants. Dunwoodie arriva à temps pour lui sauver la vie en parant le coup qu’allait lui porter un de ses dragons, et l’ayant relevé, il le fit placer sur un cheval, et le mit sous la garde d’un sous-officier. L’officier anglais qui avait conseillé une attaque contre les guides avait été chargé de la diriger mais cette troupe irrégulière n’attendit pas l’exécution de cette menace. Dans le fait, elle avait accompli le service qu’on en attendait, et elle se retira le long de la lisière du bois pour aller reprendre les chevaux qu’on avait laissés sous la garde d’un piquet à l’autre extrémité de la vallée.
Les Américains avaient tourné le flanc gauche de la ligne anglaise, l’avaient attaquée sur son derrière, et avaient rendu complète la déroute de ce côté. Mais l’officier qui commandait en second le corps des troupes royales, voyant ce qui s’y passait, fit un quart de conversion avec son détachement, et commença un feu bien nourri sur les dragons. Henry Wharton, qui l’avait accompagné en qualité de volontaire pour aider à déloger les guides du bois, reçut un coup de feu dans le bras droit, ce qui l’obligea à prendre la bride de la main gauche. Tandis que les dragons passaient en faisant retentir l’air de leurs cris, leurs trompettes sonnant en même temps des airs guerriers, le coursier virginien que montait le jeune capitaine devint ingouvernable : il s’emporta, se cabra, et la blessure qu’il avait reçue empêchant Henry de le maîtriser, il se trouva bien malgré lui, en moins d’une minute, galopant à côté du capitaine Lawton. Celui-ci comprit d’un seul coup d’œil la situation fâcheuse de son nouveau camarade ; mais étant à l’instant de fondre sur la ligne anglaise, il n’eut que le temps de s’écrier :
– Le cheval connaît la bonne cause mieux que le cavalier. Capitaine Wharton, vous êtes bienvenu dans les rangs des amis de la liberté. Cependant, dès que la charge fut terminée, Lawton ne perdit pas un instant pour s’assurer de nouveau de son prisonnier, et voyant qu’il était blessé, il ordonna qu’on le conduisît à l’arrière-garde.
Les cavaliers virginiens ne ménagèrent pas cette partie de l’infanterie royale qui se trouvait en quelque sorte à leur merci. Dunwoodie voyant que ceux des Hessois qui avaient échappé au premier combat venaient de reparaître sur la plaine, les fit attaquer de nouveau, et leurs chevaux fatigués et mal nourris ne pouvant résister au choc de la cavalerie virginienne, les restes de ce corps furent bientôt détruits ou dispersés.
Pendant ce temps, une partie des soldats anglais, profitant de la fumée et de la confusion qui régnait sur le champ de bataille, avaient réussi à passer derrière leurs camarades, et s’étaient rangés en bon ordre sur une ligne parallèle au bois ; mais ils n’avaient osé faire feu, de crainte de blesser leurs amis. Ils reçurent ordre d’entrer dans le bois, et de se former en seconde ligne à l’abri des troncs d’arbres. À peine cette manœuvre fut-elle exécutée, que le capitaine Lawton, appelant un jeune homme qui commandait une seconde compagnie restée avec la sienne, lui proposa de charger cette ligne afin de la rompre. Cette proposition fut acceptée avec la même ardeur
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