L'Eté de 1939 avant l'orage
lâavocat avec des yeux amusés, vida son verre dâun trait avant de dire:
â Même si mes motifs sont différents des siens, je me découvre dâaccord avec lui. Rien ne doit distraire les Canadiens dâun unique objectif: défaire Hitler. Jâespère que Dieu sâoccupera du reste.
â Je crois quâil aimerait en discuter avec vous. Je parle de Lapointe, bien sûr, pas de Dieu⦠précisa son interlocuteur en souriant.
â Jâavais compris. Je le contacterai. Merci, messieurs, je suis convaincu que nous collaborerons encore.
Cela valait un congédiement, mais Renaud demeurait préoccupé par un autre sujet:
â Tout de même, les nazis ont fait une victime. Alfred Côtéâ¦
â Oh! Je ne vous lâavais pas confirmé? Je nâen aurai jamais une preuve formelle, mais tout semble indiquer que ses partenaires, dans des affaires louches, se sont lassés de lui.
Non, le financier ne le lui avait pas confirmé! Le petit revolver pourrait enfin passer ses nuits au fond dâun tiroir fermé à clé, plutôt que sur sa table de chevet.
Comme le financier se levait pour se diriger derrière son bureau, les deux visiteurs posèrent leur verre et le suivirent.
Dâun geste qui témoignait de son habitude de signer des chèques dâun montant inimaginable, Bronfman en prépara deux, les leur tendit en réitérant ses remerciements. Une minute plus tard, une secrétaire athlétique, blonde au point de pouvoir incarner le prototype de la femme aryenne â lâavoir choisie témoignait du sens de lâhumour de son employeur â, fermait la lourde porte dans leur dos.
Sur le trottoir de Mountain Street, les deux hommes se serrèrent la main et prirent des directions opposées.
Ãpilogue
En plus de signer un pacte de non-agression, lâAllemagne nazie et lâUnion soviétique sâétaient entendues pour se partager les dépouilles de la Pologne, une fois la victoire acquise. Arden Davidowicz, officier, médecin et Juif, se retrouva du côté soviétique.
Cela aurait pu lui sauver la vie. Ce ne fut pas le cas.
Le 5 mars 1940, le Politburo dâUnion soviétique décidait dâexécuter les «nationalistes et les contrerévolutionnaires» de Pologne. Cela signifiait en fait lâarrêt de mort de toutes les personnes comptant parmi les «élites» de la nation polonaise. Les officiers et les médecins figuraient sur la liste des vingt-deux mille hommes assassinés. Ainsi, environ dix mois après sa femme, Arden Davidowicz mourut dans la forêt de Katyn exactement comme elle: une balle dans la nuque.
à des centaines de milles de là , les neuf cent sept réfugiés de religion juive descendus dans le port dâAmsterdam lâété précédent et dispersés entre les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume-Uni feraient bientôt face à leur destin. Le 10 mai 1940, Adolf Hitler lancerait ses armées à la conquête des Pays-Bas et de la Belgique afin de sâouvrir un chemin dâinvasion supplémentaire jusquâen France. Après cette date, les passagers du Saint-Louis accueillis sur le continent connaîtraient tôt ou tard le nom dâendroits sinistres, comme Auschwitz-Birkenau ou Belzec. Les plus chanceux de ces expatriés, ceux accueillis par le gouvernement britannique, survivraient. Pendant toute la guerre, le Canada se soucierait de garder ses frontières à peu près fermées aux Juifs.
Avant 1945, aucun des réfugiés du Saint-Louis ne foulerait les rues de Montréal. à ce chapitre au moins, les nationalistes avaient gagné! Quâen est-il du sort de Myriam Bernstein et Rebecca Goldberg, les deux fillettes en larmes? Peut-être ont-elles figuré parmi la petite minorité des survivants des camps dâextermination. Ou encore, espérons quâelles comptaient parmi les chanceux qui avaient décroché un passage vers la Grande-Bretagne dans cette cruelle loterie. Dans ce cas, imaginons-les jeunes adultes marchant dans la rue Hutchison, à Montréal, en 1947. Car après avoir refoulé si longtemps les réfugiés, le Canada leur ouvrirait bientôt ses portes. à tout le moins, la guerre aurait amené cette humanité. Â
Les faits
Ce livre est une Åuvre de fiction qui aborde des faits que les historiens
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