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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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revinrent au bureau du ministre afin de dire à la secrétaire qu’ils tenaient absolument à voir le politicien à son retour de la Chambre. «Dites-lui que cela concerne une affaire policière de la première importance», ajouta l’avocat, désireux de se montrer plus convaincant.

    Ã€ la sortie du Parlement, les deux hommes purent prendre un taxi pour se rendre à l’appartement de la rue King Edward.
    Même s’il n’était venu qu’une seule fois, la nuit, Renaud identifia l’immeuble sans trop de mal. À l’étage, il frappa discrètement à la porte, puis, face à l’absence de réponse, de plus en plus fort. Après un moment, une voisine ouvrit sa propre porte à moitié, hésitant entre la colère et la crainte.
    â€” Je suis désolé, madame, s’excusa l’avocat en soulevant son chapeau devant elle. Nous devons absolument parler à madame Trudel. Une urgence…
    â€” … J’ai bien peur qu’elle soit absente. Elle est passée en coup de vent il y a trois quarts d’heure au moins, pour repartir tout de suite avec une valise. Un taxi l’attendait dans la rue. Quand je l’ai croisée, elle m’a dit être sur le point de partir en voyage pour quelque temps.
    Renaud lui avait donné une heure d’avance, en ne tentant rien pour l’arrêter à la galerie des spectateurs, puis en négligeant d’évoquer sa présence devant l’enquêteur. Un peu pour se disculper, il mentit à son compagnon:
    â€” Peut-être vous a-t-elle aperçu tout à l’heure, dans les corridors du Parlement. Elle est le genre à suivre les débats de la Chambre.
    â€” Depuis la photographie à Sainte-Agathe, elle sait que je suis à ses trousses. Comme pour Davidowicz, je n’arrête pas les suspects, dans cette affaire, je les mets en fuite.
    â€” Si nous allions à la police, ils pourraient surveiller dans les gares, sur les routes aussi, si Élise Trudel utilise une automobile.
    â€” Il n’existe aucun mandat d’arrêt contre elle. Les policiers ne pourraient rien faire.
    Ces mots enlevèrent un poids des épaules de Renaud Daigle. Son défaut d’agir ne causerait pas une réelle différence dans le sort de cette suspecte. S’il l’avait retenue, cela n’aurait pas entraîné l’arrestation de cette femme, mais peut-être la sienne.
    â€” Nous n’avons rien de mieux à faire que de retourner au Parlement et attendre Ernest Lapointe, dit-il à la fin.

    Quand une bonne demi-heure plus tard les deux hommes atteignirent l’entrée principale de l’édifice gothique du Parlement, des députés tout excités sortaient des lieux. Aucun ne pouvait deviner que leur décision avait scellé le sort de leurs compatriotes pour les cinq prochaines années.
    Déjà revenu à son bureau, le politicien les fit entrer tout de suite en déclarant:
    â€” Monsieur Daigle, quand ma secrétaire a parlé d’une affaire policière, j’ai immédiatement pensé à Davidowicz, en me disant que cette histoire-là avait été réglée il y a des semaines. Maintenant que je vous vois avec monsieur Farah, le célèbre détective de Montréal, je me doute que ce n’est pas le cas.
    Le ministre affectait un air faussement joyeux. Après avoir pris une décision qui provoquerait la mort de milliers de personnes, sans doute pouvait-il évoquer un seul cadavre à la légère.
    â€” Il y a plusieurs semaines, j’ai demandé à monsieur Farah de m’aider, car une fois Davidowicz tiré d’affaire grâce à son alibi, la police d’Outremont ne paraissait pas encline à chercher un coupable du côté des fascistes.
    â€” Et pour cette inquisition, vous étiez mandaté par Davidowicz?
    â€” Non, par une personne désireuse d’établir la vérité. Je ne vous la nommerai pas, question de secret professionnel.
    â€” Et aujourd’hui, vous voulez me faire connaître les résultats de l’enquête, je présume? Ne serait-il pas opportun de rendre plutôt des comptes à l’individu qui vous a embauché?
    Depuis plusieurs jours, cela embêtait Renaud Daigle. Bien sûr, son devoir était de parler à Samuel Bronfman, mais les conséquences politiques de ce

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