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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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encore.
    —    Nous attendions des documents et nous voilà plutôt avec une étoffe. Qui l’eût cru ? ricana-t-il en secouant lentement la tête, l’air émerveillé. La preuve que Jésus n’est pas mort sur la croix. Je peux comprendre que Sa Sainteté Innocent ne désire pas que son existence devienne publique. Cette histoire n’a de cesse de m’étonner. Heureusement, tout sera bientôt fini. Sous peu, le torchon et les papiers ne seront plus que cendres. La foi sera préservée, comme il se doit.
    Les paroles de Raynal, alors qu’il m’avouait sa trahison dans la tente de Montfort, me revinrent en mémoire. La Vérité n’est rien d’autre que ce que la majorité considère comme vrai. Il avait eu raison. Celle qui prévaudrait pour le prochain millénaire au moins était en train d’être confirmée sous mes yeux. Une fois les preuves détruites, il ne resterait qu’elle et les fidèles chrétiens ne s’en porteraient pas plus mal. Ils continueraient à placer tout leur espoir dans la résurrection. Ils mèneraient leur vie en conséquence et la plupart seraient des gens bien. Moi seul en subirais les conséquences. Pour l’éternité.
    Pierrepont replia le suaire et le remit dans son enveloppe. Il roula ensuite les documents et les introduisit dans le tube. Lorsqu’il eut terminé, il emporta le tout et retourna s’asseoir à sa place. Presque au même instant, des coups retentirent à la porte.
    —    Fais-le entrer, ordonna-t-il à Thury.
    Ce dernier traversa le temple et ouvrit. Une silhouette franchit le seuil et fit quelques pas avant d’être éclairée par les torches. Je ne fus pas surpris outre mesure d’apercevoir Guy de Montfort. Lui aussi, évidemment, était autre que ce qu’il avait prétendu. Cela coulait de source. Il m’avait mené en bateau en me faisant croire qu’il remplissait pour son père une mission à laquelle il ne comprenait rien. Il n’avait été rien de plus qu’un appât lancé par son père et j’y avais mordu à pleines dents.
    Le visage de la femmelette portait les marques des coups que je lui avais administrés. Il vint se planter devant moi en roulant des hanches et m’adressa un sourire pernicieux. Pour la première fois depuis que j’avais fait sa connaissance, il me rappela son père. Son regard était aussi froid et cruel. Sa lèvre supérieure se retroussait dans la même moue méprisante.
    —    Merci, dit-il. Grâce à toi, mon père aura enfin ce qu’il désire depuis si longtemps.
    Sans prévenir, il m’administra un solide coup de pied au visage qui m’envoya choir sur le dos, la lèvre bien fendue.
    —    Te voilà enfin à la place qui te sied, Gondemar de Rossal, dit-il. Sur le sol, comme un rat, aux pieds de tes supérieurs.
    —    Et toi, tu resteras toujours un petit enculé qui fait honte à son père, rétorquai-je, sachant que je l’atteignais en plein cœur même s’il jouait au dur devant les autres.
    Affectant un dédain forcé, Guy alla s’affaler dans un fauteuil, passant négligemment la jambe par-dessus le bras du meuble, et laissa son menton reposer dans le creux de sa main en battant lascivement des cils. Jamais son sourire ne le quitta.
    —    Je constate que tu n’es pas vraiment surpris de voir le sire de Montfort parmi nous, dit Pierrepont. Tu le seras peut-être davantage en apprenant qu’il vient y rejoindre sa tante Guiburge de Montfort.
    Je ne pus accuser le coup sans trahir ma surprise. Certes, je n’avais éprouvé aucune affection pour cette femme, mais sa nature passionnée et son attitude frondeuse avaient su me mettre en rut comme aucune femme ne l’avait fait, à part Cécile. Nos copulations brutales avaient éveillé en moi une bête dénuée de sentiments qui s’était profondément endormie depuis l’époque de Rossal. Je l’avais empalée comme un étalon prend une jument, sans autre but que de m’enfoncer en elle et de la contraindre à y trouver son plaisir tout en prenant le mien. Je m’étais laissé emporter dans un jeu qui, je le réalisais à présent, ne tenait pour elle que de la vengeance. Elle s’était servi de son entrecuisse comme son frère utilisait son pouvoir : pour dominer, posséder et avilir. Et elle avait réussi. Par haine, elle avait usé des gestes de la séduction pour m’abaisser au rang de la bête. Elle m’avait ramené à l’homme que j’avais été. Elle seule, dans le temple, savait à quel point je me trouvais maintenant

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