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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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releva un sourcil.
    —    Voyons cela, répondit-il, nullement désarçonné.
    Il se leva et se rendit auprès de Jaume, qui le regarda venir avec des yeux remplis de défi. Le templier était monté dans le Nord pour y mourir en assassinant Guy de Montfort et il n’éprouvait aucune crainte. Pierrepont passa derrière lui, tira sa dague de sa ceinture et la lui appuya sur la gorge. Il enfouit son autre main dans ses cheveux pour bien le tenir.
    —    Sire Jaume, s’enquit-il d’un ton mielleux, donneras-tu vraiment ta vie pour protéger quelques bouts de papier et un chiffon ?
    —    Sans la moindre hésitation, fils de putain. Je regretterai seulement de ne pas avoir emporté avec moi les chiures que vous êtes.
    —    C’est bien ce que je pensais. Que notre gorge soit tranchée si nous disons mot, récita-t-il d’un ton narquois. C’est bien ce que vous déclarez à la fin de chaque conseil, non ?
    —    Et nous y croyons.
    Sachant que son sort était scellé, Jaume adressa du regard une supplique à Pernelle, qui comprit ce qu’il lui demandait.
    —    Que le Seigneur Dieu te pardonne et te conduise à bonne fin, Jaume, murmura-t-elle.
    —    Amen, répondit sereinement le templier.
    D’un geste vif, Pierrepont lui trancha la gorge d’une oreille à l’autre. Jaume posa ses yeux dans les miens et je vis la vie s’y éteindre peu à peu. Le sang jaillit de la blessure béante. Ses lèvres bougèrent et je crus y lire Secretum Templi. Puis il s’effondra sur le côté, le regard fixe. Le valeureux templier venait de rendre les armes pour retourner à la Lumière divine qu’il espérait. Je l’enviai. Son chemin avait toujours été clair et il était arrivé à son terme.
    —    Bougre de Dieu, je dois reconnaître que vous êtes des gens de parole, dit Pierrepont, admiratif.
    Puis il passa derrière Pernelle et lui appuya la lame ensanglantée sur la gorge avec la même désinvolture.
    —    Je ne doute pas un instant que tu sois aussi déterminée que feu sire Jaume, bonne dame, dit-il en lui caressant la joue de l’autre main. Après tout, on t’a fait bien pire sans jamais te briser. Sire Simon m’a raconté comment Raynal s’est amusé avec toi. Mal lui en prit, d’ailleurs. Mourir avec sa queue enfoncée dans la bouche. Quelle indignité. Mais peut-être que ce bon Ugolin, lui, tient plus à ta vie que toi-même ? Il t’aime et t’admire, c’est évident.
    La haine et le dégoût que je ressentais pour ce dépravé étaient sans fin. Il avait égorgé Jaume de sang-froid, uniquement pour voir s’il affronterait la mort comme son serment l’exigeait. Et voilà maintenant qu’il poussait son obscène petit jeu jusqu’à placer Ugolin dans une position impossible, sans autre raison qu’un cruel amusement. Il se tourna vers le Minervois, dont le visage était déchiré par la souffrance.
    —    Alors, mon gros ? Qu’en dis-tu ? La vie des Neuf n’a-t-elle vraiment aucune valeur ? Devrais-je la tuer ou non ? Il te suffit de me demander de l’épargner et je le ferai. Je te le jure sur mon honneur.
    —    Tu n’en as aucun, rétorqua le Minervois.
    —    Tout dépend du point de vue, dit Pierrepont en appuyant un peu plus fort sur la gorge de Pernelle.
    Le souffle me manquait. J’étais là, impuissant, pendant qu’on jouait impunément avec la vie de mon amie la plus chère. Je savais qu’elle n’y tenait pas, qu’elle était prête depuis longtemps à quitter la chair. Je devais l’accepter. Le regard serein qu’elle m’adressa me le confirma.
    Ugolin posa des yeux pleins de larmes dans ceux de mon amie.
    —    Dame Pernelle, sanglota-t-il. Je. je ne peux pas. J’ai fait serment. La Vérité passe avant tout.
    —    Et c’est très bien ainsi, mon bon ami, répondit sereinement Pernelle en lui souriant. Nous avons juré. Et la chair n’est rien. La Lumière nous attend tous.
    Elle tourna la tête vers Pierrepont et le toisa avec tout le dédain dont elle était capable.
    —    Qu’attends-tu, chien ? Libère-moi.
    À mon immense soulagement, Pierrepont retira la lame et remit la dague à son ceinturon.
    —    Ce serait bien trop facile. Vous accepterez tous de vous sacrifier et Gondemar se contentera de vous regarder mourir. Je me retrouverai devant rien.
    J’avais gagné mon pari. Il venait de perdre l’avantage qu’il croyait détenir.
    —    De plus, Montfort a demandé à ce que je vous livre à

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