Lettres
ne sont pas aussi sans gêne que dans notre Mexique adoré.
*
16 février 1931
Aujourd’hui, Diego n’est pas allé travailler, on a traîné toute la journée, jusqu’à tout à l’heure, quand il est parti chez le directeur du Stock Exchange, pour une petite fête en son honneur. J’ai pas voulu y aller parce que j’ai une inflammation et dans ce cas il vaut mieux ne pas marcher, non ? Il y a quelques jours, j’ai vu au théâtre une chose magnifique, avec des Noirs ; c’est ce que j’ai préféré.
Bandeau sur le tableau
Frieda et Diego Rivera
Nous voici, moi, Frieda Kahlo, auprès de mon époux bien-aimé Diego Rivera, j’ai peint ces portraits dans la belle ville de San Francisco, Californie, pour notre ami Albert Bender, au mois d’avril de l’an 1931.
Lettre à Isabel Campos
San Francisco, Californie,
3 mai 1931
Ma copine chérie,
J’ai reçu ta lettre ça fait une masse de siècles. J’ai pas pu te répondre avant car je n’étais pas à San Francisco mais plus au sud et j’avais un paquet de choses à faire. Tu n’imagines pas à quel point j’étais contente de la recevoir. Tu es ma seule amie à s’être souvenue de moi . Je suis très contente d’être ici, sauf que ma mère me manque. Tu n’as pas idée de ce que cette ville est merveilleuse. Je ne t’en écris pas plus pour avoir des tas de choses à te dire de vive voix.
Je serai bientôt de retour au « village » tout-puissant, probablement dans le courant du mois, et j’en aurai de belles à te raconter. On aura de quoi bavasser…
Salue très tendrement de ma part la tante Lolita, tonton Panchito et tous tes frères et sœurs, tout spécialement Mary.
La ville et la baie sont chouettes. J’apprécie moins la ricainerie : ce que ces gens peuvent être fades, et puis ils ont des têtes, de biscuit cru (surtout les vieilles). Ce qui est vraiment sensas, c’est le quartier chinois ; toutes ces ribambelles de Chinois sont sacrément sympas. Et les petits Chinois sont les plus jolis enfants que j’aie jamais vus de ma vie. Une vraie merveille ! J’aimerais en voler un pour que tu puisses voir ça.
Pour ce qui est de l’anglais, je préfère ne pas aborder la question parce que je suis décidément bouchée. J’aboie le principal, mais c’est vachement difficile de bien le parler. Je me fais quand même comprendre, ne serait-ce qu’avec ces crapules de marchands.
Je n’ai pas d’amies. Une ou deux, qu’on ne peut pas vraiment appeler des amies. Du coup, je passe mon temps à peindre. En septembre je vais exposer (pour la première fois) à New York. Ici, je n’ai pas eu le temps et j’ai seulement pu vendre quelques tableaux. Mais de toute façon, j’ai bien fait de venir, ça m’a ouvert les yeux et j’ai vu des tas de choses nouvelles et chouettes.
Toi qui peux voir ma mère et Kitty, raconte-moi ce qu’elles deviennent. Je t’en serais vraiment reconnaissante. Tu as encore le temps (si tu en as envie) de m’écrire une lettre. Je te le demande, ça me ferait tellement plaisir. C’est beaucoup demander ?
Si tu les vois, passe le bonjour au docteur Coronadito, à Landa, à M. Guillén. À tous ceux qui se souviennent de moi. Et toi, ma toute belle, reçois l’éternelle tendresse de ta copine qui t’adore.
Frieducha
Des bises à ta maman, à ton papa et à tes frères.
Mon adresse : 716 Montgomery Street.
Lettre à Nickolas Muray (36)
Coyoacán, 31 mai 1931
Nick,
Je t’aime comme un ange.
Tu es un lys des vallées, mon amour. Je ne t’oublierai jamais, jamais.
Tu es toute ma vie.
J’espère que tu ne l’oublieras jamais (37) .
Frida
S’il te plaît, viens au Mexique comme tu me l’as promis ! Nous irons tous les deux ensemble à Tehuantepec, en août .
[ Impression de ses lèvres sur le papier .] Tout spécialement pour ta nuque.
Lettres au docteur Leo Eloesser (38)
Coyoacán, 14 juin 1931
Cher docteur,
Vous n’imaginez pas à quel point nous avons honte de ne pas être passés vous voir avant notre retour au Mexique, mais c’était impossible. J’ai téléphoné trois fois à votre bureau, sans jamais vous y trouver, car personne n’a décroché, alors j’ai dit à Clifford de bien vouloir vous expliquer. En plus, figurez-vous que Diego a peint jusqu’à minuit la veille de notre départ de San Francisco, du coup, nous n’avons eu le temps de rien faire. Cette lettre a donc avant tout pour objet de vous
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