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Lettres

Titel: Lettres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frida Kahlo
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Moyen Âge) et la pauvre, elle traîne son luth pour s’accompagner en me chantant des chansons. L’autre jour, elle est venue cuisiner pour moi, histoire de varier mes repas, elle m’a préparé une soupe de légumes que j’ai trouvée dégueulasse, mais j’ai dû lui dire qu’elle était délicieuse   ; après elle m’a concocté un dessert au chocolat avec des galettes, c’était pas trop mauvais. En tout cas, je lui suis reconnaissante d’être aussi gentille avec moi, parce qu’elle n’est pas obligée, tu ne crois pas   ? Elles sont très pauvres, elles travaillent mais ce qu’elles gagnent leur permet tout juste de joindre les deux bouts, parce que leur père est en Europe et en plus c’est un coureur de jupons, il fait souffrir leur mère, elles ne l’aiment pas, elles vivent toutes seules ici   ; elles ont seulement leur frère, qui est marié, c’est un ingénieur électricien, très pauvre lui aussi, un garçon très gentil.
    Plusieurs personnes m’ont témoigné leur affection. Il y a une jeune fille qui a vécu trois ans au Mexique et qui parle très bien espagnol, elle s’appelle Ella Wolfe. Elle m’aime beaucoup et quand je suis tombée malade, elle avait beau travailler et vivre à l’autre bout de la ville, elle est venue me voir, m’apporter des médicaments, des livres, tout ce dont j’avais envie. Elle est russe, brune, rondelette, elle me rappelle Mati, sauf que Mati est plus jolie.
    Malú Cabrera aussi a été très bonne pour moi, parce que malgré le passé… que tu connais, malgré son amitié avec Guadalupe Marín (40) , elle est gentille avec moi et elle veut être mon amie.
    Comme tu vois, il y a pas mal de gens qui s’occupent de moi. Quant à Diego, même s’il a l’air de s’en ficher et de s’intéresser seulement à sa peinture, il m’aime beaucoup et il est très gentil. Je crois que tous les hommes sont pareils   : des inutiles si jamais on tombe malade, pas vrai   ? Mais il est extraordinaire avec moi, et même parfois c’est moi qui ramène un peu trop ma fraise, j’exagère, je suis d’une humeur massacrante, mais ça me passera avec le temps.
    Je vais écrire à Hortensia Muñoz. J’ai très envie de la voir avant de partir à Detroit.
    Et toi, ma belle, qu’est-ce que tu me racontes de neuf   ? Qu’est-ce que tu fais de tes journées   ? Tu me manques à un point que tu ne peux pas imaginer. Parfois, quand je pense à toi et à papa, j’ai du mal à croire que je suis si loin de vous, mais face à l’évidence, il me prend des envies de partir en courant jusqu’à Coyoacán. Je crois qu’en août ou en septembre Diego aura fini tout ce qu’il a à faire.
    Les Covarrubias me proposent de rentrer avec eux au Mexique en mars, mais je crois que je ne pourrai pas laisser Diego. Lui, il me dit que s’il gagne un peu d’argent cette année, on pourra aller vivre à Mexico pour toujours, mais qu’en attendant je dois faire contre mauvaise fortune bon cœur et supporter toutes ces vieilles, ces fêtes, etc., pour qu’il puisse atteindre son objectif. Je crois qu’il a mille fois raison, mais ça m’angoisse, je perds patience, je voudrais que ça arrive comme par magie. Tout ce que je constate, c’est que je ne peux pas aller bien sans vous, alors je broie du noir, tout m’ennuie, tout me gêne, bref, j’ai la coyoacanite.
    Quand tu pourras, quand tu auras un tout petit peu de temps libre, écris-moi, ma belle, quand je reçois une lettre de toi je suis tellement contente que tout devient plus léger.
    J’ai écrit à papa. Dans ses lettres il me dit qu’il ne peut pas se mettre à la peinture comme je le lui ai recommandé, parce qu’il est toujours occupé par son travail, il se dit qu’il vit aux crochets des autres et qu’il n’a plus les moyens de te donner tout ce qu’il voudrait. Moi, je lui réponds qu’il n’est qu’un gros bêta et qu’il doit prendre la vie plus à la légère. Au moins, vous ne manquez pas de l’essentiel, non   ? Et puis, il peut faire des petits boulots de temps en temps, juste pour ne pas s’ennuyer et pour avoir de quoi s’acheter des cigarettes et des friandises. Si jamais j’arrive à vendre un tableau, je lui enverrai de quoi rembourser ce qu’il doit au Foto Supply, histoire de le calmer, et quand je rentrerai, tu verras comme tout se passera bien   ; on vivra tous les trois très heureux. Je veux vivre avec toi maintenant, parce que durant les mois que j’ai passés à Mexico,

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