Lettres
sort au soleil (quatre heures), j’ai pas vraiment l’impression d’aller mieux les douleurs sont toujours les mêmes et je suis plutôt maigre ; malgré tout, comme je te l’ai expliqué dans une autre lettre, je veux avoir la foi. Si on trouve l’argent, je me ferai faire une autre radio ce mois-ci, histoire d’être fixée ; sinon, on en saura plus le 9 ou le 10 septembre, date à laquelle je pourrai me lever, on verra bien alors si l’appareil m’a fait de l’effet ou s’il est nécessaire de m’opérer (j’ai peur). Mais il va encore falloir attendre pas mal de temps pour connaître le résultat de ces trois mois de repos (je pourrais presque dire de martyre).
À en croire ce que tu m’écris, la Méditerranée est merveilleusement bleue. La connaîtrai-je un jour ? Je ne crois pas, car je ne suis pas née sous une bonne étoile ; pourtant, mon plus cher désir a toujours été de voyager. Il ne me restera que la mélancolie des lecteurs de récits de voyages. En ce moment, je ne lis pas. Je n’en ai pas envie. Je n’étudie pas l’allemand non plus, je ne fais que penser à toi. Je dois me trouver sacrément cultivée. Dans le journal, en dehors des départs et des arrivées des bateaux à vapeur, je lis l’éditorial et ce qui se passe en Europe.
Ici, on ne sait toujours rien de la révolution. Il semblerait que tout soit entre les mains d’Obregón, mais personne ne sait rien.
À part ça, rien de bien intéressant… Tu as fait des progrès en français ? Inutile de te donner des conseils… cela dit, mets les bouchées doubles, hein ?
Quels musées as-tu visités ?
Comment sont les filles dans toutes ces villes que tu as visitées ? Et les garçons ? Ne flirte pas trop avec les filles dans les stations balnéaires (…) Il n’y a qu’au Mexique qu’on appelle « Medea » ou « Meche » celles qui sont si belles qu’on dirait des Botticelli, avec de ces jambes… Et il n’y a qu’ici que tu puisses leur dire : Señorita (Sorita) , voulez-vous être ma fiancée ? Pas en France, ni en Italie, et encore moins en Russie, avec toutes ces communistes mal dégrossies…
Qu’est-ce que je ne donnerais pas juste pour t’embrasser.
J’ai suffisamment souffert, je l’ai bien mérité, non ? Ce sera au mois d’août, comme tu me l’avais dit ? Oui ?
Ta Frieda
( je t’adore .)
Lettres à Miguel N. Lira
Coyoacán, août 1927
Mon frère,
Je ne sais pas quoi dire de ton bonheur.
Que peut-on dire quand la vie commence ? Chante L’Internationale car son corps est celui du monde, comme la vague socialiste !
Bougrement révolutionnaire et seulement comparable au triomphe de Lindbergh, hurlement de tous les hommes à la minute universelle.
Je sens en Elle la simplicité et l’attirance infinies de la phrase que nous avons tous entendue : Il était une fois un roi qui avait trois filles…
Elle ne peut pas être ta fiancée, une fiancée est seulement jeune et Elle, elle est la jeunesse.
Elle est dans ta vie, mais quand tu la perdras tu pourras dire comme Xenius : Ramons, Nando, ramons, la nuit nous tombe dessus et la mer se déchaîne…
Tu auras juste vieilli d’un an ou deux et tu seras toujours le prince de la Mandchourie et moi…
Ta sœur
Frida
*
3 août 1927
Mike,
Comment vas-tu ? Tu n’as plus de fièvre ? J’allais t’écrire hier, mais je me suis sentie vachement mal tute la journée.
Il est sept heures et demie en this moment et je viens de me réveiller, encore un peu patraque.
Hier, Alex m’a écrit, il dit qu’il a only reçu deux lettres de toi, dont une du 16 juillet, à Nice. Il me dit qu’il va probablement partir pour Florence et de continuer à lui écrire. Je vois pas comment il pourra être rentré à la fin du mois, qu’est-ce que tu en dis ? Ma lettre arrivera à Paris autour du 18, date à laquelle il devrait déjà être en route pour l’Amérique. Je crois qu’il me mène en bateau, non ?
Comment s’est passée la fête de Salisky ? Lucha et moi, on voulait lui faire un cadeau, mais on n’avait pas un sou.
Demain jeudi, vous allez venir, pas vrai ?
J’ai encadré ton poème dans un passe-partout. Juan Timburón !
Bon, frangin, moi qui n’ai chanté que l’exquise mélodie de l’intime pudeur, j’élève à présent la voix en société (34) … et j’exige mon petit déjeuner, sans un pleur…
Je crois que je vais tourner de l’œil
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