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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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qu’à la personne de son fils. Quelques heures plus tard, contrit, Clarin comparaissait devant lui en compagnie de son Césaire, qui trouva le moyen de me lancer quelques regards mauvais. Le gros garçon fut condamné à subir la fessée en public de la main de son père, qui l’avait fort large et calleuse. Vêtu de mes plus beaux atours, j’assistai au spectacle avec plaisir. Clarin appliqua la sentence seigneuriale, tirant moult vagissements de son fils et lui laissant le croupion spectaculairement rougi.
    De retour au manoir, je demandai à ma mère ce que signifiait naître voilé. Elle laissa échapper un long soupir triste, m’entraîna vers un banc, s’assit avec moi et me raconta ma naissance.
    —    Certains enfants naissent avec, sur leur visage, une partie du sac dans lequel ils ont grandi dans le ventre de leur mère. On dit qu’ils apporteront le malheur partout où ils passeront.
    —    Mais. ce n’est pas ma faute, gémis-je piteusement. Et je n’ai rien fait de mal.
    Elle m’ébouriffa affectueusement les cheveux.
    —    Je sais. Il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte. Ce ne sont que des histoires de bonne femme. Moi, j’ai la conviction que le voile annonce plutôt un adulte doué auquel Dieu réserve de grandes faveurs. Ne te torture pas avec cela, mon pauvre petit. D’accord ?
    Je me souviens d’avoir souri, mais sans la croire tout à fait. Dès lors, je sus que j’étais différent des autres.
    J’étais doté d’une santé de fer et les maladies qui affectaient la population restèrent loin de moi. Jamais mon visage ne fut marqué par la vérole, ni mon souffle raccourci par les fièvres, ni mes os rendus douloureux par l’humidité. À neuf ans, ma carrure était déjà exceptionnelle. Je dépassais d’une tête les garçons de mon âge et j’étais aussi grand que plusieurs hommes faits. Il faut dire que j’étais un des rares habitants de Rossal à manger à sa faim, les autres se contentant de survivre de leur mieux. Ma chevelure rousse, aussi flamboyante qu’abondante, me distinguait des autres.
    Dès que je pus monter à cheval, mon père m’emmena avec lui dans ses visites périodiques de ses terres, me traînant de village en bourgade, m’expliquant en termes simples les revenus tirés de chacun. Bientôt, je connus la seigneurie de Rossal comme la paume de ma main.
    C’est aussi durant l’année de mes neuf ans que le père Prelou proposa à Florent de prendre charge de mon éducation. Peut-être espérait-il que sa sainte présence contribue à contrecarrer les augures sinistres de ma naissance et du prédicateur. Il en convainquit mon père, malgré le fait que celui-ci voyait mal l’utilité de savoir lire, écrire et compter. Pour lui, les nobles ne devaient pas s’embarrasser des choses de l’esprit. Les clercs, les notaires et autres plumitifs suffisaient amplement à cette tâche. La seule réelle fonction d’un seigneur, à ses yeux, était de surveiller ses terres et de défendre, si le roi l’ordonnait, le royaume. Mais le vieux prêtre n’était pas homme à lâcher prise lorsqu’il se croyait dans le bon droit et, son statut ecclésiastique excluant d’emblée qu’il eût tort, mon père finit par céder. Il me confia donc aux soins du prêtre en précisant bien qu’il n’entendait pas faire de son fils une femmelette et que l’entreprise ne devait pas s’éterniser. Au fond, il était sans doute soulagé de me voir éloigné de lui et espérait peut-être secrètement que le prêtre me déleste de l’aura sombre qui m’enveloppait.
    Tous les matins, je retrouvais le père Prelou chez lui pour n’être libéré que lorsque le soleil avait atteint sa méridienne. Je découvris que, sous ses airs naïfs, le prêtre du village était un esprit beaucoup plus fin que je ne l’imaginais. Il savait lire et écrire, et ses connaissances étaient variées. Avec patience, il m’enseigna d’abord à tracer, à l’aide d’une plume d’oie trempée dans l’encre noire, des lettres gothiques qu’il me faisait reprendre jusqu’à ce qu’elles soient parfaites. Afin de pouvoir réutiliser les parchemins, il les grattait après chaque usage.
    En plus d’une bible, il possédait même, chose rarissime, plusieurs livres, tous méticuleusement recopiés à la main par quelque obscur moine, et bellement reliés en cuir. On y traitait d’architecture, de philosophie, d’histoire et de maintes autres merveilles de

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