L'Héritage des Cathares
intentions et mon cœur se serra comme il l’avait fait jadis.
La bande fondit sur moi avant que j’aie le temps de porter la main au couteau que, comme tout le monde, je portais à la ceinture. Je réussis bien à placer quelques coups de poing dont l’efficacité m’étonna, mais je me retrouvai vite maîtrisé et plaqué au sol. On me mit un chiffon dans la bouche et on me banda les yeux, on m’attacha les poignets derrière le dos, puis les chevilles.
— Emmenez-le, ordonna Césaire.
— Em-me-me-me-ner, bégaya Alodet en ricanant stupidement.
On me transporta pendant de longues minutes dans la forêt avant de me jeter lourdement sur le sol. Je sentis qu’on me retirait mon bandeau. La première chose que je vis fut le visage empâté et cruel de Césaire.
— Cette fois, nous allons nous débarrasser de toi pour de bon, avant que tout Rossal meure de faim, petit seigneur.
Ses comparses s’agenouillèrent et écartèrent des branches qui traînaient sur le sol, puis balayèrent la terre avec leurs mains, révélant un couvercle de planches grossier, mais solide. Ils le soulevèrent et l’appuyèrent contre une grosse roche, révélant une profonde fosse. Comprenant qu’ils l’avaient creusée à mon intention, je sentis la panique monter en moi, ce qui fit bien rire Césaire. Il me dépouilla de mon poignard et le jeta avec mépris sur le sol, près de la fosse. Puis il m’adressa un sourire méchant, se racla la gorge et me cracha au visage.
— Allez, fourrez-le là-dedans, ordonna-t-il.
Je fus jeté sans ménagement dans la fosse. Mon épaule droite émit un craquement sinistre en heurtant la terre froide. Une douleur vive me monta jusque dans le cou, mais je n’y prêtai pas attention. À force de me tortiller, je me remis sur le dos pour entrevoir la face satisfaite de mon tortionnaire. Puis on replaça le couvercle et je me retrouvai dans le noir. Je me débattis comme un fou, essayant en vain de crier. Le cœur serré, j’entendis la terre tomber sur les planches.
— Repose en paix, petit seigneur, cria Césaire.
Des rires gras. Puis plus rien.
Après moult tentatives infructueuses, je me remis debout, mais la fosse était si profonde que, même avec ma grandeur exceptionnelle, j’arrivais tout juste à effleurer le couvercle avec le sommet de ma tête, sans pouvoir le pousser. Découragé, je me laissai retomber. Je ne saurais dire combien de temps je passai là, terrorisé à l’idée d’être promis à une lente agonie, à lutter en vain contre les liens qui me sciaient les chairs. Les minutes s’étiraient à l’infini. L’odeur de la terre humide me semblait porter en elle la mort qui m’attendait. J’avais froid. J’étouffais. De temps à autre, un insecte rampait sur mon visage sans que je puisse le chasser, sinon en secouant follement la tête. J’avais trop peur pour pleurer.
J’adressais une prière désespérée à Dieu lorsqu’il me sembla entendre quelque chose. Je tendis l’oreille. Pendant ce qui me parut être une éternité, rien ne se produisit et j’allais attribuer le tout à mon imagination lorsqu’une voix monta à nouveau. Quelque part, non loin de moi, quelqu’un chantait d’une petite voix claire.
Pucelette belle et avenante
Joliette, polie et plaisante,
La sadette que je désire tant
Nous voici, jolis et amant.
Je me mis à hurler de toutes mes forces, mais mon bâillon étouffa mes cris. Je sautai aussi haut que j’en étais capable pour frapper ma tête contre le couvercle en espérant faire le plus de bruit possible. Tout à coup, une pluie de terre et de branches s’abattit sur moi et une brillante lumière m’aveugla. Lorsque tout fut terminé, j’ouvris les yeux et portai mon regard vers le rebord de la fosse. Il faisait jour. J’avais passé la nuit entière sous terre. Une fille que je connaissais vaguement était penchée vers moi et me toisait, l’air perplexe, presque amusé.
— Que fais-tu là-dedans ? demanda-t-elle bêtement.
Je me mis à gesticuler comme un dément. Elle tendit la main vers moi et me retira le chiffon qui m’emplissait la bouche.
— Mon poignard ! m’écriai-je en toussant. Il est là, quelque part.
La fille disparut un moment et revint, l’air triomphant en brandissant l’arme. Elle s’allongea sur le ventre et les bras tendus, coupa mes liens. Je me frottai un moment les poignets pour y faire circuler le sang, puis lui pris le poignard et
Weitere Kostenlose Bücher