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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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vautres-tu pas nuitamment avec ? poursuivit l’illuminé. Copulateur ! Tu devrais t’agenouiller devant moi comme le vil pécheur que tu es pour implorer le pardon divin !
    Sonné que son arrangement domestique lui soit ainsi jeté publiquement au visage, le père Prelou balbutia piteusement, au son de quelques gloussements amusés. Avec mépris, le prédicateur lui tourna le dos et se dirigea vers mes parents. Il dévisagea longuement mon père. Puis son attention se porta sur moi. Je sentis une grande crainte m’envahir et serrai la main de Nycaise.
    —    Mère, implorai-je, ma voix restant à demi coincée dans ma gorge sèche. Allons-nous-en, je vous en prie.
    Les sourcils froncés, le prédicateur m’observa un moment comme si j’étais un monstre. Son visage se plissa en une affreuse grimace à mi-chemin entre la souffrance et l’extase. Il se mit à trembler, comme saisi par une force surnaturelle. Ses yeux se révulsèrent et, pendant quelques secondes, je n’en vis plus que le blanc. Puis il se signa convulsivement en reculant d’un pas.
    —    Que Dieu ait pitié de ce village, murmura-t-il d’une voix tremblante, car cet enfant y apportera la mort. Il sera damné. Maudit pour l’éternité.
    Il me montra du doigt.
    —    La justice divine te fera subir mille fois les souffrances que tu causeras, suppôt de Satan ! Tu iras en enfer et Dieu te punira en t’en libérant ! Tu erreras parmi les hommes sans trouver le salut ! Tu aideras à répandre des faussetés impies qui confondront les honnêtes croyants ! Tu ébranleras la Révélation ! Tu es maudit ! Hérétique ! Damné ! Une âme perdue ! Tu entends ?
    Ma mère passa son bras autour de mes épaules et me serra contre elle pour me protéger. Au même moment, Gerbaut secoua la tête et sembla émerger de sa transe.
    —    Il est le Mal incarné. marmonnait-il dans sa barbe, d’une voix teintée de folie.
    —    Suffit ! éclata mon père dans un rare accès de colère. Tu en as assez dit, prédicateur. Maintenant, passe ton chemin ! Sinon, homme de Dieu ou pas, je te jure que tu seras mis aux fers et jugé comme le fauteur de troubles que tu es !
    Sans arracher son regard de ma personne, l’inquiétant vieillard recula en hochant la tête, blanc de terreur, en se signant de plus belle. Lorsqu’il fut assez loin, il s’arrêta.
    —    Les jours vous sont comptés, habitants de Rossal ! cria-t-il. Le loup est déjà entré dans la bergerie ! Soyez sur vos gardes !
    Puis il fit demi-tour et se mit à courir à toutes jambes en agitant les bras dans tous les sens comme un pantin désarticulé. Il disparut au bout du chemin qui s’enfonçait dans les bois.
    —    Bon débarras, grommela le père Prelou, encore ébranlé d’avoir été ainsi remis à sa place devant ses ouailles. Que le Diable l’emporte, lui et ses tours de magie.
    Autour du prêtre, plusieurs paroissiens se signèrent en regardant furtivement dans la direction où Gerbaut de Gant avait fui, puis dans la mienne. Tous se dispersèrent dans un silence embarrassé. Enfermés dans un mutisme inquiet, mes parents me ramenèrent au manoir. Ils avaient l’air si troublé que je n’osai pas les questionner.
    Dans le manoir de Rossal, jamais on ne reparla de cet incident, qui ne fut pas oublié pour autant. Mais ma vie en fut irrémédiablement affectée. Si les circonstances de ma naissance avaient fait de moi un objet de méfiance, le passage de Gerbaut de Gant eut pour effet de m’ostraciser pour de bon. Dès lors, les villageois superstitieux se détournèrent encore plus de moi. Souvent, je surprenais dans mon dos quelqu’un qui pointait vers moi le signe du mauvais œil. Ma destinée, tracée dès ma naissance, était confirmée.

Chapitre 2 Pernelle
    La vie reprit son cours normal, mais le passage de l’oiseau de malheur ouvrit autour de moi une fissure qui s’élargirait peu à peu jusqu’au gouffre. Dès lors, ma vie se détériora. Je vécus seul parmi les autres, ressentant la blessure d’un isolement que, confusément, je savais associé à Gerbaut de Gant. Mes contacts humains furent limités et je ne connus ni l’amitié enfantine, ni la joie du jeu, ni le rire innocent partagé. Seule l’affection indéfectible de ma mère mettait un peu de baume sur mes plaies.
    Ma première expérience réelle du rejet remonte à mes six ans. En tant que fils du seigneur, je mangeais à ma faim et j’étais richement vêtu. Jouissant d’un

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