L'Héritage des Templiers
demi-heure.
C’était une femme frêle, âgée d’une soixantaine d’années – bien qu’elle n’ait jamais confirmé cette information. Quant aux fichiers personnels du ministère de la Justice que Malone avait consultés un jour, ils ne comportaient que la malicieuse mention « non communiquée » dans l’espace réservé à sa date de naissance. Des reflets argentés jouaient dans ses cheveux bruns, et dans son regard marron transparaissaient à la fois la compassion de l’humaniste et la fougue du procureur. Deux présidents avaient tenté de la nommer ministre de la Justice, mais elle avait décliné leur offre. Un ancien ministre de la Justice avait exercé des pressions pour lui faire perdre sa place – surtout après qu’elle eut été engagée par le FBI pour enquêter sur son compte –, mais la Maison Blanche avait refusé d’en entendre parler puisque Stéphanie Nelle faisait preuve, entre autres qualités, d’une honnêteté scrupuleuse.
Par contraste, l’homme au couteau était petit, replet, avait le visage étroit et les cheveux coupés en brosse, les traits caractéristiques des Européens de l’Est. Son air hagard, accablé, inquiétait Malone plus que la lame étincelante de son arme ; il portait une tenue décontractée, un jeans et un blouson rouge sang.
Malone se leva sans quitter Stéphanie des yeux.
Il pensa la mettre en garde en criant, mais elle se trouvait trop loin et la place était trop bruyante. Elle disparut un instant derrière l’une des sculptures modernes de la Højbro Plads qui représentait une femme d’une obésité obscène couchée nue sur le ventre, ses imposantes fesses de bronze ressemblant à des collines exposées aux quatre vents. Lorsque Stéphanie réapparut, l’homme s’était rapproché d’elle et Malone le vit sectionner la bandoulière passée sur son épaule gauche, s’emparer de son sac de cuir et la pousser sur les pavés.
Une femme cria et la vue d’un voleur à la tire armé d’un couteau provoqua l’émoi de la foule.
L’homme au blouson rouge s’enfuit, le sac de Stéphanie à la main, bousculant les badauds au passage. Certains le bousculèrent à leur tour. Le voleur prit à gauche, contourna l’une des autres statues et se mit finalement à courir. Il semblait se diriger vers Købmagergade, rue piétonne qui bifurquait vers le nord depuis la Højbro Plads et s’enfonçait dans le quartier commerçant.
Malone bondit de son siège, résolu à barrer la route à l’agresseur avant qu’il ait pu disparaître au coin de la rue, mais un groupe de cyclistes le gênait. Il se mit à courir après les avoir évités et dut contourner une fontaine avant de pouvoir se jeter sur sa proie.
Ils heurtèrent le pavé ; l’homme au blouson rouge fut le plus durement touché et Malone remarqua immédiatement la musculature de son adversaire. Sans se laisser démonter, l’homme roula sur lui-même et enfonça son genou dans l’estomac de Malone.
Le choc lui coupa le souffle et lui retourna les tripes.
Sans perdre une seconde, l’homme au blouson rouge s’élança et remonta Købmagergade en courant.
Malone voulut se lever, mais dut immédiatement s’accroupir pour reprendre son souffle.
Bon sang. Il avait perdu l’habitude.
Il se reprit et se remit à la poursuite de l’homme qui possédait à présent une avance d’une quinzaine de mètres. Malone n’avait pas aperçu de couteau pendant leur lutte, mais comme il remontait laborieusement la rue bordée d’échoppes, il vit que l’homme tenait toujours le sac de cuir. Ses poumons lui brûlaient, mais il se rapprochait.
En passant, l’homme au blouson rouge arracha une petite voiture à bras remplie de fleurs des mains d’un vieil homme débraillé, l’un des nombreux marchands ambulants alignés le long de Højbro Plads et Købmagergade. Malone les détestait car ils prenaient un malin plaisir à bloquer l’entrée de sa librairie, surtout le samedi. L’homme au blouson rouge poussa le chariot en direction de Malone. Il ne pouvait pas le laisser dévaler la rue – trop de passants, dont des enfants –, aussi fit-il un crochet sur la droite pour s’en saisir et l’immobiliser.
Il jeta un coup d’œil en arrière et aperçut Stéphanie à l’angle de Købmagergade en compagnie d’un policier. Une centaine de mètres les séparaient et le temps pressait.
Malone s’élança à la poursuite de l’homme en se demandant où il pouvait bien aller.
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