L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
de suite : « Érythème noueux (82) . » Mengele s’énerve, tape du pied.
— « C’est du sabotage. Ce sont les signes de la tuberculose. »
Si la situation n’était pas aussi grave, le docteur Hirsch éclaterait de rire devant cette preuve de l’incompétence de son « maître ».
— « Et vous le radiologue ? Vous n’avez rien trouvé ?
— « Non.
— « Montrez les radios.
— « Rien ! Mais si vous voulez que je marque sur les fiches « tuberculeux », je vais marquer. »
Mengele se tourne vers les jeunes enfants.
— « Venez avec moi. »
Le docteur Hirsch voit les enfants monter dans la voiture de Mengele. La voiture, au lieu de prendre la droite, vers le camp, tourne à gauche et s’engage sur le chemin du crématoire.
Miklos Nyiszli disséquera les corps sous les yeux de Mengele. Quatre meurtres pour prouver qu’il n’était pas possible qu’il se trompe.
Lorsqu’il revint vers les médecins déportés qui l’attendaient, il dit simplement :
— « Oui. Ça va pour cette fois. Mais si je découvre un sabotage, le moindre sabotage, c’est vous qui prendrez la route du crématoire. »
— Dès l’arrivée (83) des convois, des soldats parcourent les rangs devant les wagons, à la recherche des jumeaux et des nains. Les mères en espèrent un traitement de faveur et remettent sans hésitation leurs enfants jumeaux. Les adultes jumeaux savent qu’ils sont intéressants du point de vue scientifique ; dans l’espoir des conditions meilleures, ils se présentent volontairement. Il en va de même pour les nains.
— On les sépare et ils sont tous dirigés vers la droite. On leur laisse leurs vêtements civils, des gardes les accompagnent dans des baraques spécialement désignées pour eux et où on leur réserve certains ménagements. La nourriture est bonne, les couchettes sont confortables. Il y a des possibilités d’hygiène et ils sont bien traités.
— Ils sont dans la baraque 14 du camp F et c’est de là que leurs surveillants les emmènent dans la baraque d’expérimentation du camp tsigane. C’est là que l’on effectue sur eux tous les examens médicaux que le corps humain est capable de supporter. Des prises de sang, des ponctions lombaires, des échanges de sang entre frères jumeaux, ainsi que d’innombrables examens, tous fatigants et déprimants. Dina, l’artiste peintre de Prague, exécute les dessins comparatifs des crânes, pavillons auriculaires, nez, bouches, mains et pieds des jumeaux. Chaque dessin est classé dans le dossier préparé à cet effet et muni de caractéristiques individuelles ; et c’est là que vont également trouver place les rapports concernant les résultats des recherches. Le processus est le même pour les nains.
— Ces expériences appelées en langage médical in vivo, c’est-à-dire expériences exécutées sur un être vivant, sont loin d’épuiser toutes les possibilités de recherches dans le domaine de la gémellité. Elles sont pleines de lacunes et n’offrent que des résultats insuffisants. Aux recherches in vivo succédera la phase la plus importante de l’étude de la gémellité : l’étude comparative du point de vue anatomique et anatomopathologique. Il s’agit ici de la comparaison des organes sains avec des organes fonctionnant anormalement, ou maladies des jumeaux. Pour cette étude, comme pour toute étude d’anatomie pathologique, les cadavres sont nécessaires. Étant donné qu’il faut accomplir la dissection pour l’appréciation simultanée des anomalies, les jumeaux doivent mourir en même temps. Aussi meurent-ils dans une des baraques du K.Z. d’Auschwitz, dans le quartier B’, par la main du docteur Mengele.
— Il arrive ici une chose unique dans l’histoire des sciences médicales du monde entier. Deux frères jumeaux meurent ensemble et en même temps, et on a la possibilité de les soumettre à l’autopsie…
— Le Kapo en chef du Sonderkommando vient me trouver et m’annonce qu’à la porte du crématorium un soldat S.S. m’attend avec un kommando de transporteurs de cadavres. Je vais les trouver. Il leur est interdit d’entrer dans la cour. Des mains des S.S. je prends les documents concernant les cadavres. Ce sont les dossiers de deux petits frères jumeaux. Le Kommando, formé de femmes, dépose devant moi la civière recouverte. Je soulève la couverture. Elle cache deux jumeaux de deux ans. Je donne l’ordre à deux de mes
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