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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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« pelote » est terminée, nous sommes vidés, mouillés et boueux. Nous ne disposons plus que d’un petit quart d’heure pour ingurgiter notre modeste repas.
    — Deux Français qui se sont perdus dans les galeries de la mine arrivent tout essoufflés au rassemblement avec quelques minutes de retard. Le Kommandoführer nous fait savoir que les deux fautifs vont être punis. Il les fait mettre à genoux, par terre, les coudes appuyés sur le coffre qui sert à transporter les casse-croûte, et Négus, l’Oberkapo tsigane, après avoir relevé les vestes, administre à chacun de nos camarades, avec son gros bâton, les « vingt coups sur le cul » réglementaires. Un pauvre vieux à cheveux blancs gémit lamentablement. Tous ces messieurs allemands se réjouissent de cette scène qui nous fend le cœur. L’autre Français, un jeune, subit plus stoïquement la torture.
    — Nous (195) travaillons sur le bord du Neckar, en aval du pont. Déchargement d’une péniche de ciment. Les sacs par centaines s’entassent sous les hangars. La péniche a encore deux cales à vider. Nous sommes une vingtaine à porter. En file indienne, nous nous approchons sur les planches, recevons notre sac et, chancelant, remontons vers la rive et le hangar. Les sacs sont lourds. Penché en avant, ils m’écrasent et je ne puis retrouver ma respiration, trop droit, ils me renversent ou m’échappent. Ils fuient, le ciment entre dans notre dos de chemise. Le casse-croûte est long à venir. Le Vorarbeiter est tsigane : les grosses rations sont pour les amis tsiganes, mais pas pour les Français…
    — Un Polonais rit avec le tsigane Vorarbeiter ; il parle, il montre un Français. Qu’y a-t-il ? Le tsigane appelle le Français et lui fait sortir un paquet de sa poche… Ce sont quelques pissenlits enveloppés dans un morceau de papier. Ce soir, ce sera une salade sans huile ni vinaigre. Le tsigane rit, rit aux éclats et… jette le paquet dans la rivière. Il menace le Français de l’y jeter s’il repêche la salade qui s’en va lentement au fil de l’eau.
    — Comme le malheureux proteste, il est emmené par un autre Vorarbeiter tsigane au poste allemand, au « bulldog » la brute S.S. Et quelques minutes après, nous le voyons revenir, se tenant les reins suivi du tsigane qui rit. L’explication a été simple ; une volée de coups de bâton.
    — D’ailleurs, peu après, le « bulldog » arrive lui-même avec son éternel gourdin. Nous bousculant, il saute dans la cale et du fond du bateau s’échappent les bruits sourds et mats du bâton, les cris des hommes que l’Allemand poursuit.
    — Décidément, demain, je changerai encore de Kommando !

HOULI, L’OBERKAPO TSIGANE DE MELK
    — C’est (196) un matin d’hiver en janvier 1945. Il fait encore nuit. Nous sommes rassemblés dans la cour de l’ancienne caserne des pionniers et nous attendons le départ au travail.
    — À 5 heures moins le quart, un des Espagnols chargés de la police de nuit à l’intérieur des barbelés, sonnait la cloche primitive faite d’un tuyau de fonte pendu à une chaîne. À ce signal, il n’a pas fallu traîner pour s’habiller, boire le « café » et manger le huitième de boule de pain. Ce matin encore, nous n’avions pas d’eau aux lavabos du Block et c’est le troisième jour que je ne me suis pas lavé.
    — Soudain, Houli, l’Oberkapo chargé de la discipline des deux mille cent détenus qui vont sortir, arrive, accompagné du Feldwebel. Il compte chaque rangée de cinq, et si, par malheur, l’un d’entre nous s’affaisse et tombe d’inanition, à grands coups de poings et de pieds il saura ce qu’il en coûte de déranger ces messieurs en plein travail. Houli est un détenu tsigane, de taille moyenne et particulièrement bien musclé si l’on en juge par la facilité avec laquelle il casse un manche de pelle sur la tête d’un retardataire ou d’un malade. Sa mâle figure aux yeux noirs n’a rien des traits caractéristiques du criminel, mais plutôt de ceux d’un sportif aventurier et sympathique. Alors que nous sommes misérablement vêtus et chaussés de sabots rafistolés, lui s’habille avec une élégance des plus recherchées. Il porte tantôt des bottes, tantôt des chaussures de marche confortables ou des sandalettes de repos. Sa canadienne est barrée de traits rouges soigneusement peints de haut en bas, et en largeur, des fenêtres en tissu rayé sont aussi découpées dans le

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