L'holocauste oublié
pratiquées, en présence du professeur Schumann et d’un médecin S.S., le docteur Entress par un chirurgien polonais, interné lui-même, le docteur Dering. Ce chirurgien opérait avec une assez grande brutalité. Les patients recevaient une anesthésie locale sommaire, leurs cris étaient effroyables à entendre. Souvent les deux testicules furent enlevés d’emblée. Les suites opératoires furent catastrophiques : hémorragies, septicémie, atonie des plaies qui n’en finissaient pas de se refermer. Beaucoup de ces malheureux mouraient rapidement des suites opératoires.
— Peu importait leur mort puisque ces cobayes avaient déjà rendu le service qui leur était demandé.
Le témoignage du docteur Lettich – pourtant publié en 1946 – ne figure pas dans les « pièces à conviction » du procès Dering et le docteur Lettich n’a pas été cité comme témoin. Car Dering, intenta en 1964 un procès en diffamation à l’écrivain américain Léon Uris parce qu’il avait fait référence dons son roman Exodus aux expériences médicales sur les juifs et les tsiganes des différents médecins allemands d’Auschwitz aidés dans leurs travaux par le chirurgien « Dehering ». Cette orthographe est d’ailleurs celle qu’avait utilisée Lettich dans sa thèse. Peut-être Uris en avait-il eu communication.
— De ce procès de 1964, je retiendrai ce contre-interrogatoire (89) :
— Lord Gardiner. – Vous avez bien prêté le serment d’Hippocrate quand vous êtes devenu médecin ?
— Le docteur Dering. – Oui.
— Lord Gardiner. – Et l’on vous demandait de castrer, contre sa volonté, un homme doté de ses facultés sexuelles ?
— Le docteur Dering. – Oui.
— Lord Gardiner. – Cela exige, n’est-il pas vrai, quelque excuse absolutoire de la part d’un médecin ?
— Le docteur Dering. – Oui.
— Lord Gardiner. – Je vous demande si, dans votre esprit il existe une excuse absolutoire quelconque, en dehors de celle qui consiste à dire que vous auriez été tué si vous n’aviez pas obéi aux ordres ?
— Le docteur Dering. – J’aimerais répondre exactement à votre question. Depuis que j’étais entré à Auschwitz, toutes les lois – normales, humaines et divines – étaient abolies. Il n’y avait plus que la loi des Allemands. Ces questions que vous me posez, lord Gardiner, concernent des conditions normales. Il est difficile d’imaginer les conditions de vie du camp. Il m’est par conséquent difficile de répondre à vos questions par un bref « oui » ou « non ».
— Lord Gardiner. – Je souhaite, naturellement, que vous disiez tout ce que vous désirez dire. En ce qui concerne les expériences du docteur Schumann, ai-je raison de penser que vous dites ceci : premièrement, vous en avez discuté avec d’autres médecins polonais ; deuxièmement, de toute façon, il était bon pour les patients que l’on procédât à l’ablation de leurs organes irradiés puisqu’on leur épargnait le cancer et la mort ; troisièmement, si vous ne l’aviez pas fait, ils auraient été envoyés à la chambre à gaz ; quatrièmement, si vous ne l’aviez pas fait, vous auriez été tué ; et cinquièmement, si vous ne l’aviez pas fait, un autre l’aurait fait ? Je veux seulement savoir, relativement à ces castrations, laquelle de ces excuses absolutoires s’appliquait. Vous dites que vous n’en avez pas discuté avec des médecins, et vous n’affirmez pas non plus qu’enlever, contre sa volonté, les testicules d’un homme normal, pouvait lui faire du bien. Dites-vous, en réalité : « Je l’ai fait parce que j’aurais été tué si je ne l’avais pas fait ? »
— Le docteur Dering. – Je ne pouvais pas refuser. C’est un point. Second point : si cela n’avait pas été fait par moi, cela l’aurait été par un caporal S.S. incompétent et maladroit.
— Lord Gardiner. – Permettez-moi de prendre séparément ces deux points. Voyons le premier : « Je ne pouvais pas refuser parce que c’était un ordre. » Le capitaine Rohde a été pendu pour ce qu’il avait fait ; or, ne disait-il pas pour se défendre : « Si je n’avais pas fait ce que j’ai fait, mes supérieurs m’auraient fusillé ? » Vous ne le saviez pas ?
— Le docteur Dering. – Non.
— Lord Gardiner. – Quant à votre second point : Si vous ne l’aviez pas fait, un autre l’aurait fait – c’est un fait,
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