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L'holocauste oublié

L'holocauste oublié

Titel: L'holocauste oublié Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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le tchèque, le slovaque, etc., qu’ils émaillaient de mots tsiganes. Comme ils étaient serrés dans leur lit, les moins malades prenaient plus de place en repoussant parfois les plus faibles. De plus, et cela arrivait souvent, ceux qui pouvaient manger n’étaient pas pressés de déclarer les morts parmi eux car ils s’emparaient de leur ration de nourriture. Ils refoulaient le mort vers ceux qui ne pouvaient pas se défendre. Voici une conversation entendue à l’étage inférieur d’une de ces sombres couches communes :
    — « Mendl (peut-être Gerth), appelle donc qu’on enlève le moulo (le mort) qui est couché sur moi. Tu ne vois pas qu’il pue déjà ?
    — « Tais-toi, misérable tsigane (du clender Zigeuner), c’est toi qui pues.
    — « Comment, tu me dis misérable tsigane, mais tu es toi-même tsigane.
    — « Ta gueule (halt die Schnauze), tu sais que je n’ai même pas 20 % de sang tsigane, alors que toi…
    — Après la distribution de la nourriture on déclarait le mort et « les mangeurs » se partageaient sa portion. Le « non-mangeur » n’en recevait rien car il n’était même plus en état de manger la sienne.
    — J’ai entendu maintes fois des disputes en langue allemande où les antagonistes se jetaient à la face leur « taux » de sang tsigane. Ainsi l’hitlérisme était parvenu à inculquer à beaucoup de ces braves gens un sentiment d’indignité et la honte de leurs ancêtres, alors que la belle chanson tsigane « Faria » dit : « Lustig ist das Zigeunerleben… » Et Goethe n’exalte-t-il pas le sacrifice des tsiganes qui donnent leur vie pour défendre Götz von Berlichingen, le « chevalier à la main de fer » mort pour la liberté du peuple allemand ?
    — Vers la fin de l’été 1943, le typhus exanthématique était en décroissance, après avoir fauché plusieurs milliers de tsiganes. Notre block changea d’occupants : de service d’hommes il devint service de femmes. Les femmes que nous avions en traitement étant des « internées privilégiées », n’étaient atteintes que de maladies courantes « privilégiées », c’est-à-dire non consécutives à des traumatismes comme les autres déportés (diarrhée, œdème de carence, gale surinfectée, septicémies, tuberculose). Elles étaient presque toutes nues dans leur lit et se rendaient toutes nues aux latrines qui se trouvaient à l’extrémité du block. La pudeur féminine ne meurt qu’avec la femme. Les femmes tsiganes malades, nues, semblaient l’avoir perdue. Ce n’était qu’apparence. En réalité lorsque la déchéance physique est très profonde, la souffrance de la pudeur blessée se fond dans la souffrance globale et cesse d’être perçue isolément. Quelques-unes avaient encore une guenille de chemise et même des souliers.
    — Les médecins tenaient rigoureusement les dossiers des malades et disposaient de quelques médicaments : un peu de sulfamides, Mitigal (contre la gale) en faible quantité, analgésiques, Kaolin, Borsalbe, Ichtyolsalbe. Pour la tenue des dossiers, ils étaient aidés par des secrétaires féminines : polonaises, allemandes ou tsiganes. Personnellement j’ai eu d’abord une dame d’origine polonaise cultivée et parlant très bien le français. Cette dame, veuve d’une personnalité polonaise fusillée par les Allemands était au camp tsigane avec sa fille. Elle éprouvait le besoin de se confier tout en sachant qu’elle parlait à un juif. Elle me disait son chagrin de voir sa fille « vivre sa vie ». Cette fille avait une vingtaine d’années et était d’une beauté éblouissante, une beauté spécifiquement polonaise. Elle me semblait plus belle que Maria Walenska. Nous savions tous que le médecin en chef du Krankenbau, beaucoup plus âgé qu’elle, était son amant et elle en était fière.
    — Lorsque cette dame polonaise fut transférée au Frauenlager (camp de femmes) je reçus une secrétaire tsigane allemande qui parlait et écrivait l’allemand à la perfection. En septembre ou octobre elle fut mutée et j’eus comme secrétaire une très jeune tsigane allemande parlant un allemand pittoresque et archaïque, rappelant un peu la prononciation « yiddish ». Cette secrétaire ne savait pas écrire mais était une élève adorable. Pendant que j’écrivais, elle suivait avec une attention émouvante la pointe de la plume et ses lèvres épelaient tout bas les lettres. Un jeune Pfleger

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