L'Homme au masque de fer
répliquer au Gascon, mais un de ses compagnons lui posa la main sur l’épaule.
Gaëtan se retournant pour dévisager encore une fois ceux qu’il considérait comme ses ennemis, le garde dit à son camarade :
– Ce n’est pas le moment de provoquer un esclandre. Nous avons l’ordre d’agir promptement et sans tapage. Son Éminence ne nous pardonnerait pas de lui avoir désobéi. Laissons-les rentrer tranquillement à l’auberge.
Au même moment, deux hommes sortaient d’un des bas-côtés de l’église, dans l’ombre duquel ils s’étaient dissimulés. L’un, vêtu de velours noir, sur lequel tranchait la blancheur d’un col en toile blanche, n’était autre que M. de Durbec. L’autre portait l’uniforme du capitaine des gardes du cardinal. Il s’appelait le baron de Savières.
Le chevalier de Durbec fit :
– Tout est bien convenu. Vous avez bien saisi les instructions du cardinal ?
Le capitaine résuma :
– Il s’agit, d’abord, de nous emparer de l’enfant, puis d’emmener la duchesse au château de Montgiron où il faudra qu’elle s’explique sur son rôle dans cette affaire.
– Très bien, approuva Durbec. Je vous recommande, encore une fois, la prudence. Les gardes du corps dont elle est entourée ne sont pas nombreux, mais ils sont de taille à nous mener la vie dure. N’oubliez pas non plus que le cardinal tient essentiellement, et pour des raisons connues de lui seul, que M. de Mazarin ne soit ni molesté ni même inquiété. Quant aux autres, pas de quartier, telle est la consigne. Cela, mon cher capitaine, vous simplifiera singulièrement la tâche.
» Maintenant, vous allez immédiatement, avec vos hommes, simuler un départ. Vous aurez soin de dire à haute voix, à l’hostellerie du Faisan d’Or, que vous partez pour Toulouse préparer les appartements du cardinal qui doit se rendre prochainement dans cette ville. De cette façon, les méfiances de M. de Mazarin et de la duchesse de Chevreuse seront endormies et leur vigilance, ainsi que celle de leurs amis, ne pourront que s’en atténuer. »
Le capitaine fit un signe d’acquiescement, puis il ajouta :
– Nous pourrons donc, dès la nuit venue, nous livrer à une perquisition en règle à l’hostellerie.
Tandis que M. de Durbec quittait l’église par une petite porte qui donnait sur la campagne, le capitaine des gardes en sortait ostensiblement et, après avoir rallié ses hommes, il les entraîna jusqu’au Faisan d’Or où il leur dit à haute voix :
– Restaurez-vous copieusement, car nous allons faire cette nuit une rude étape.
Les gardes s’installèrent devant des tables inoccupées et se commandèrent un copieux repas.
Lorsqu’ils achevèrent leurs agapes, la nuit était venue. Un appel de trompettes retentit : c’était le signal du départ.
Tous se levèrent de table et regagnèrent la cour où leur chef, déjà en selle, les attendait. Enfourchant à leur tour leurs montures, ils gagnèrent aussitôt la grand-route de Toulouse, suivis du regard par Mazarin et Castel-Rajac qui dissimulés dans l’ombre, avaient assisté à leur départ.
Tous deux, en effet, avaient entendu dire par M me Lopion que les gardes du cardinal partaient pour Toulouse, mais ils n’en avaient pas cru un mot, persuadés que ce n’était qu’une feinte et qu’ils n’allaient point tarder à revenir.
M. de Durbec en était donc pour sa ruse, d’ailleurs cousue de fil blanc. Plus que jamais, les deux alliés allaient se tenir sur leurs gardes.
Quelques instants après, ils étaient rejoints par Hector d’Assignac et Henri de Laparède, auxquels déjà Gaëtan avait raconté qu’on voulait lui voler son fils.
Cela avait suffi pour enflammer l’ardeur de ses deux amis, enchantés de se trouver mêlés à une aventure à la fois mystérieuse, galante et chevaleresque.
M. de Mazarin, tout en saisissant Gaëtan par le bras, lui dit :
– Je crois que cette nuit nous allons avoir à en découdre…
Le colossal Hector s’écria :
– À la bonne heure, moi, j’aime ça.
L’ardent et subtil Laparède ajouta :
– Nous allons montrer à ces gens de Paris de quel bois se chauffent les cadets de Gascogne.
– En attendant, proposa Castel-Rajac, si nous faisions une ronde autour de la maison… car il n’y a rien d’extraordinaire que ces drôles eussent laissé derrière eux quelques mouchards.
– Vous pouvez en être sûr, déclara M. de Mazarin.
Au premier
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