L'Homme au masque de fer
aidez-moi à faire de ce petit d’abord un bon chrétien, puis un bon chevalier.
De grosses larmes apparaissaient au bord des yeux de l’excellent prêtre qui reprit d’une voix tremblante d’émotion :
– Jésus a dit : laissez venir à moi les petits enfants. Je ne puis que me conformer à la parole du Divin Maître. Quand veux-tu, mon cher fils, que je baptise ton garçon ?
– Dès que vous le voudrez. Le temps d’aller chercher les deux témoins qui doivent signer sur le registre de la paroisse. Il est deux heures de l’après-midi, voulez-vous que, vers quatre heures, nous nous présentions à l’église ?
– À quatre heures moins le quart, je ferai donner le premier son de cloche. Auparavant, tu vas venir avec moi, à l’église, car il faut que je reçoive ta confession.
– Ah ! monsieur le curé, répliquait le jeune Gascon, vous venez de l’entendre et je ne pourrais, hélas ! que vous répéter les mêmes paroles. Ne suffirait-il pas que je m’agenouillasse devant vous, pour que vous traciez au-dessus de mon front le signe qui purifie ?
Le curé de Saint-Marcelin regarda son élève et pénitent avec un air de bonhomie affectueuse qui montrait que celui-ci l’avait déjà entièrement désarmé, puis il fit :
– Allons, qu’il en soit ainsi.
Tandis que le jeune Gascon se courbait devant lui, le digne ecclésiastique, à cent lieues de soupçonner que Gaëtan, pour sauver l’honneur d’une femme et assurer l’avenir d’un enfant aussi dangereusement exposé, s’était cru le droit de le berner, murmura les paroles sacramentelles, qui allaient laver l’intrépide chevalier d’un péché qu’il n’avait pas commis.
Se relevant, Castel-Rajac s’écria :
– Monsieur le curé, je ne puis que vous remercier du fond du cœur de votre bonté et de votre évangélique indulgence. Donc, à quatre heures précises, nous serons tous à l’église.
Il s’en fut, enchanté du succès qu’il venait de remporter, et il regagna prestement l’hostellerie du Faisan d’Or.
En franchissant le seuil, une exclamation de joie lui échappa : il venait d’apercevoir, attablé devant un pichet de vin frais et choquant cordialement le gobelet d’étain plein jusqu’au bord, deux gentilshommes aux allures de campagnards, l’un, un énorme gaillard taillé en hercule, aux moustaches et à la barbiche conquérantes, l’autre, mince, bien découplé, nerveux, et formant avec son compagnon le plus frappant des contrastes.
– Assignac, Laparède ! s’exclama Castel-Rajac de sa voix sonore.
Les deux buveurs se retournèrent et, apercevant Gaëtan qui s’avançait la main tendue, ils eurent simultanément un cri de joie.
L’énorme Assignac secoua le bras de Gaëtan avec une force capable de déraciner un jeune peuplier. Quant à M. de Laparède, il la serra avec toute la distinction d’un homme de cour.
Hector d’Assignac attaquait avec un gros rire qui faisait tressauter sa bedaine :
– Heureux coquin, joyeux drille, coureur de guilledou !
Il accompagnait chacune de ces épithètes d’un vigoureux coup du plat de la main sur ses cuisses monumentales.
– Qu’est-ce qu’il a, mon cher Henri ? demanda Castel-Rajac à M. de Laparède.
– Nous savons tout… déclara l’élégant Henri.
– Quoi, qu’est-ce que vous savez ?
– Que tu as ramené de voyage une fort jolie femme avec un délicieux poupon, et voilà pourquoi nous t’adressons nos félicitations les plus vives.
– Qui vous a raconté ça ? interrogea Castel-Rajac en feignant le mécontentement.
– Ah ! voilà !
– Cette bavarde de M me Lopion !
Et, simulant la colère, le chevalier s’écria :
– Elle va me le payer cher, cette satanée commère.
Mais, se ravisant tout à coup, il fit :
– Après tout, non, car mon intention était bien, mes chers amis, de vous mettre au courant de l’aventure qui m’arrive. J’ai en effet ramené de voyage une fort jolie femme et un délicieux poupon, mais si je suis le père de cet enfant, la dame n’en est que la marraine… car, la vraie maman…
Gaëtan s’arrêta, comme pour donner plus d’importance à ces paroles, puis sur un ton grave et mystérieux :
– Au nom de l’honneur, je vous demande de ne point m’interroger à ce sujet.
– Nous serons discrets, affirma le colossal Hector.
– Nous nous tairons, enchaîna le très aimable Henri.
Castel-Rajac reprit :
– J’ai un autre service à
Weitere Kostenlose Bücher