L'Homme au masque de fer
carnage.
N’écoutant que son courage, M. de Savières voulut s’élancer sur les vainqueurs. Mais, du revers de son épée rouge de sang, Castel-Rajac, qui était décidément l’un des escrimeurs des plus redoutables qu’il fût possible d’imaginer, envoyait promener en l’air l’arme du capitaine, sur lequel se jetaient Assignac et Laparède, qui l’immobilisaient instantanément.
Castel-Rajac s’avançait vers Savières et, approchant son visage du sien, lui demandait, les yeux dans les yeux :
– Qu’avez-vous fait de M me de Chevreuse ?
– Je n’ai pas à vous répondre, répliqua l’officier désarmé.
– Vous êtes notre prisonnier.
À peine le Gascon avait-il prononcé ces mots qu’un cri déchirant partait du château.
Castel-Rajac eut un grand sursaut : il lui sembla que c’était la duchesse qui appelait au secours.
Bondissant à l’intérieur, escaladant l’escalier quatre à quatre, il parvint jusqu’au troisième étage et se heurta à un homme vêtu de noir, l’épée à la main, qui semblait décidé à lui barrer le passage.
Le Gascon fonça sur lui.
Durbec – car c’était lui – essaya vainement de se mettre en garde et de parer cette foudroyante attaque. Lourdement, il retomba sur le sol, le corps traversé de part en part par la lame du chevalier.
Sautant par-dessus lui, Castel-Rajac franchit en quelques bonds les marches de l’escalier qui donnait accès au grenier et d’où continuaient à s’échapper les appels désespérés de M me de Chevreuse.
Il se trouva devant une porte entrebâillée sur le seuil de laquelle, le dos tourné, se tenait un homme.
D’un coup de poing formidable, il l’écarta et, comme une trombe, il pénétra dans la pièce. Deux autres hommes s’apprêtaient à étrangler, à l’aide d’un lacet, la duchesse de Chevreuse, qui se débattait avec l’énergie du désespoir.
Lardés de grands coups d’épée, les deux bandits durent lâcher prise et, poursuivis par le Gascon, qui, d’un violent coup de botte, avait à demi écrasé la figure du troisième homme qui cherchait à se relever, ils s’élancèrent vers une lucarne qui donnait sur les toits. Mais, dans leur affolement, ils avaient mal pris leur élan et, glissant sur les tuiles, ils s’en furent s’aplatir sur les dalles de la cour à côté des autres victimes de la fureur gasconne.
Comme M me de Chevreuse, brisée d’émotion, chancelait, Castel-Rajac dut la retenir dans ses bras ; mais, se ressaisissant, la vaillante femme s’écria :
– Non, je suis trop heureuse, maintenant, pour m’évanouir.
Gaëtan l’entraînait vers la sortie.
– La victoire est complète, disait-il, allons rejoindre nos amis !
Tout en tenant son épée d’une main et soutenant la marche de la duchesse de l’autre, il regagna la cour, sans remarquer que le corps du chevalier de Durbec n’était plus à l’endroit où il était tombé.
Rejoignant Mazarin, Assignac et Laparède, il leur annonça d’une voix triomphante :
– La chasse a été bonne. Il y a douze pièces au tableau !
M. d’Assignac lui désignait le baron de Savières, qui gisait, ligoté, sur le sol.
– Celui-là, fit-il, est encore en assez bon état.
Mazarin, qui s’était précipité vers M me de Chevreuse, lui dit :
– Maintenant, il s’agit de vous mettre rapidement en sécurité, car, après ce qui vient de se passer ici, je ne réponds plus de la tête de personne.
– Le mieux, déclara Castel-Rajac, est de gagner le plus rapidement possible la frontière espagnole. Je crois que je ferais bien d’emmener aussi mon petit garçon. N’est-ce point votre avis, madame la duchesse ?
– Certes !
– Et vous, comte Capeloni ?
– Tout à fait.
Les quatre conspirateurs, qui entouraient la duchesse, quittèrent le château et rejoignirent leurs chevaux qui étaient restés dans la forêt. Bientôt, ils galopaient dans la direction de Saint-Marcelin, et le chevalier, qui tenait, doucement serrée contre sa poitrine, la belle Marie de Rohan qui se cramponnait à son cou, lui murmurait à l’oreille, entre deux phrases brûlantes d’amour :
– Je crois que votre amie sera contente de nous.
*
* *
Quelle ne fut pas la stupéfaction de l’excellent Barbier de Pontlevoy, lorsque, se réveillant le lendemain matin au chant du coq, suivant son habitude, après avoir revêtu ses chausses et son justaucorps, il commença son inspection
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