L'Homme au masque de fer
ouverte, ce qui prouvait que l’excellent Barbier de Pontlevoy, quelque peu amolli par les délices d’une oisive retraite, avait cessé de surveiller, même sommairement, les entrées et sorties du château dont il avait la garde.
Les quatre conjurés se trouvaient dans une cour étroite et obscure. Elle semblait complètement inhabitée et était entourée de bâtiments bas qui devaient autrefois former les écuries du château.
Au travers d’une grille délabrée, rouillée et demeurée ouverte, on apercevait une seconde cour, qui paraissait plus importante que celle-ci.
Mazarin, indiquant l’un des bâtiments aux trois Gascons, leur dit :
– Cachez-vous là, pendant que je vais en reconnaissance.
Tandis que, toujours dociles, Castel-Rajac, Assignac et Laparède se dissimulaient dans l’ombre, Mazarin, avec la souplesse d’un chat, se glissait jusque dans l’autre cour, d’où il pouvait examiner très attentivement les aîtres du château.
Le principal corps de logis formait l’un des côtés de la cour. À droite, la cuisine, le cellier. À gauche, un corps de garde, dans lequel quelques chandelles de résine achevaient de se consumer, et où régnait un profond silence.
Mazarin s’y faufila, et aperçut, étendus sur la planche d’un lit de camp et ronflant côte à côte à poings fermés, quatre des gardes du cardinal, dont les manteaux, les chapeaux et les épées étaient jetés pêle-mêle à leurs pieds.
Mazarin esquissa cet énigmatique sourire qui marquait chacune de ses joies intérieures puis, s’emparant des quatre chapeaux, des quatre manteaux et des quatre épées, il s’en fut à pas de loup les déposer dans la cuisine, légèrement éclairée, elle aussi, par quelques chandelles qui achevaient de se consumer dans leurs chandeliers.
Cela fait, il rejoignit les trois Gascons qui l’attendaient avec une fébrile impatience.
– Décidément, leur annonça-t-il, le destin nous est favorable. Je viens de surprendre dans un profond sommeil quatre gardes de Son Éminence, qui avaient cru bon de se dévêtir à moitié et de se désarmer tout à fait.
» Je me suis emparé de leurs défroques et de leurs épées. J’ai transporté le tout dans une cuisine, où nous serons à merveille pour endosser les uniformes de ces messieurs. »
Il les entraîna tous les trois jusqu’à la cuisine et, là, ils commencèrent à se déshabiller.
Déjà, Castel-Rajac et Laparède avaient mis bas leur justaucorps et, pleins d’ardeur et d’entrain, ils s’apprêtaient tous quatre à jouer consciencieusement leur rôle dans la tragi-comédie dont Mazarin était le metteur en scène, lorsque tout à coup, il leur sembla entendre un bruit de pas précipités sur les pavés de la cour.
Instinctivement, ils saisirent leurs épées. À peine venaient-ils de s’en emparer que huit gardes du cardinal se précipitaient dans la cuisine, l’épée à la main.
Cédant un moment au nombre, ils durent battre en retraite et se réfugier dans le cellier, où ils allaient trouver un champ plus facile pour se défendre.
– Quatre contre huit, s’écria Gaëtan d’une voix éclatante, c’est une bonne mesure.
Et il fonça sur ses adversaires, en mettant pour commencer deux à bas, tandis que, de leur côté, Mazarin, Assignac et Laparède en tuaient et en blessaient trois autres.
Les trois gardes qui étaient restés indemnes prirent le parti de rallier la cour et de donner l’alarme à ceux du corps de garde, qui se réveillèrent aussitôt et s’en vinrent à leur rescousse. Mais ils ne pouvaient pas être d’une grande utilité dans la bataille : ils étaient sans armes et encore tout alourdis de sommeil.
Castel-Rajac qui, d’emblée, avait repris le commandement de la bataille, profitant de la panique qui régnait parmi ses adversaires se précipita sur eux avec ses amis.
Au même moment, une fenêtre du château, qui se trouvait au premier étage, s’ouvrait, et une voix retentissait :
– Tenez bon ! Sus à ces bandits, à ces misérables, sus aux ennemis du cardinal !
C’était le capitaine de Savières qui encourageait ses hommes.
Mettant, lui aussi, l’épée en main, il se précipita à travers le vestibule, les couloirs, dégringola l’escalier et se précipita dans la cour.
Quand il arriva, les trois Gascons et l’Italien avaient achevé de mettre ses gardes à la raison. Tous jonchaient le sol, morts ou blessés. C’était un véritable
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