L'Homme au masque de fer
pourchassant sans pitié cette engeance…
Richelieu leva la main.
– Nenni, monsieur ! J’ai déjà eu plusieurs gardes tués dans cette aventure ; j’ai besoin de la vie de mes hommes et ne veux point les exposer inutilement. Vous avez été vaincus, reconnaissez-le loyalement. Tant pis ! Arrangez-vous seulement pour retrouver la piste de ce Castel-Rajac et de l’enfant.
– Monseigneur ! s’écria Durbec, tentant un dernier effort. Madame la duchesse s’est moquée de vous, et le signor Capeloni également ! Si vous ne sévissez pas, ils ne mettront plus de bornes à leur audace !
Le cardinal-ministre regarda son subordonné sévèrement.
– Depuis quand, monsieur, dois-je recevoir vos conseils sur la conduite que je dois tenir ? Allez et ne songez qu’à exécuter mes ordres !
Le chevalier sortit fou de rage en pensant au piètre résultat de son entrevue.
– Morbleu ! grommela-t-il en descendant les larges degrés de l’escalier du Palais-Royal. Puisque c’est ainsi je ne confierai à personne le soin d’assouvir ma vengeance.
Seulement Durbec avait moins d’envergure que le grand cardinal, et si celui-ci avait les bras assez longs pour étreindre à la fois tous ses adversaires, le chevalier ne pouvait songer qu’à Castel-Rajac. M me de Chevreuse était trop grande dame pour qu’il osât s’attaquer à elle. Quant au signor Capeloni, il avait disparu.
Il prit pension dans une auberge qu’il connaissait bien, et décida de s’y établir quelque temps, afin de voir venir les événements.
En guise de représailles, le cardinal se contenta de prier la duchesse de s’éloigner de nouveau de la cour, qu’elle s’était empressée de rallier dès son retour de Gascogne, autant pour revoir son illustre amie que pour lui donner des nouvelles de l’enfant confié à sa garde.
La reine avait donc appris comment son fils, adopté par un gentilhomme aussi brave que loyal, serait élevé par ses soins et sous son nom.
Avant que le ministre ait pris la décision d’exiler une fois de plus Marie de Rohan, elle avait eu le temps de causer longuement avec Anne d’Autriche, et de lui prodiguer les plus judicieux conseils.
– Madame, lui dit-elle, alors que les deux femmes, dans le cabinet de la reine, causaient familièrement, tout ce qui s’est passé est bel et bon, mais cet enfant ne pourra régner un jour.
– Hélas ! ma mie ! je le sais ! répondit Anne d’Autriche, et c’est bien ce qui me désespère, car mes ennemis disent déjà qu’il serait préférable de me répudier si je ne puis donner d’enfant à la couronne de France.
La duchesse s’emporta.
– Voilà une plaisante histoire ! Si Sa Majesté voulait bien montrer plus… d’empressement… S’il y a un coupable, ce n’est certainement pas vous !
Les deux femmes ne purent retenir un éclat de rire en pensant au poupon resté en Gascogne.
– Richelieu me hait, reprit la reine, et serait heureux de me voir en disgrâce…
Marie de Rohan avait aussi de bonnes raisons pour ne point porter dans son cœur celui qu’on nommait « l’homme rouge. »
– C’est un être de ténèbres et d’intrigues…, reprit-elle pensivement. Madame, il faut absolument que vous donniez un héritier au roi…
– Mais comment, ma chère ? Tu sais que mon époux se targue d’être appelé « le Chaste »…
La duchesse eut un petit clin d’œil malicieux.
– Bah ! laissez-moi faire… Il faudra bien qu’il cède à la raison d’État !
Elle pencha sa jolie tête vers son amie, et, longtemps, les deux jeunes femmes complotèrent…
*
* *
À quelques jours de là, une grande chasse fut décidée dans la forêt de Saint-Germain.
Louis XIII était un passionné de ce divertissement. Toute la cour s’y rendit, et bien entendu, Anne d’Autriche, accompagnée de M me de Chevreuse.
Toutes les deux montaient merveilleusement à cheval. La chasse déroula ses péripéties habituelles jusqu’au soir. Louis XIII, habituellement triste et perpétuellement ennuyé, se dérida et fut d’une humeur charmante toute la journée.
Lorsque le soir tomba, il se trouva isolé du gros de la troupe, dans un sentier écarté, avec M. de Senlis comme seul compagnon.
– Ma foi ! Monsieur, dit le roi en piquant des deux, j’ai l’impression que nous voici égarés.
– Et la nuit tombe, ce qui ne facilitera pas notre chemin, reprit M. de Senlis.
– Entendez-vous des sonneries de
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