L'Homme au masque de fer
duchesse et le comte de Senlis remontèrent à cheval. Puis la porte du pavillon se referma sur le couple royal…
Les deux cavaliers piquèrent des deux malgré l’obscurité. Ce fut sans une hésitation que le gentilhomme s’orienta et se dirigea vers le château où la Cour avait élu domicile.
Lorsqu’ils furent en vue de la splendide terrasse qui domine toute la vallée de la Seine, ils ralentirent le train. La duchesse de Chevreuse se tourna vers son compagnon.
– Monsieur de Senlis, dit-elle, vous avez accompli votre rôle à la perfection. La reconnaissance de la reine et la mienne vous sont acquises…
– Ah ! Madame ! fit-il en se rapprochant de la jeune femme, serez-vous cette nuit plus cruelle que Sa Majesté pour notre Roi ?
Marie éclata de rire.
– Doucement, monsieur le comte ! La question de la postérité royale n’est pas en jeu entre nous, que je sache ! Nous en reparlerons…
Mais l’ordre du cardinal-ministre parvint à la duchesse de Chevreuse avant qu’elle ait eu le temps d’entamer un autre entretien à ce sujet avec son galant complice. Elle dut regagner ses terres, maudissant une fois de plus l’omnipotence de Richelieu.
Neuf mois plus tard, le héraut royal annonçait la naissance d’un enfant du sexe masculin du nom de Louis, et surnommé « Dieudonné » tant l’impatience et le désir de sa venue furent grands.
Depuis quelque temps déjà, M. de Senlis avait obtenu un brevet de colonel dans la garde royale, à l’instigation de la reine Anne d’Autriche…
CHAPITRE II
MARIE DE ROHAN PART POUR UN AGRÉABLE EXIL
Par un beau matin tout poudré de poussière d’or, un de ces matins parisiens où l’automne s’alanguit sur les berges de la Seine, le carrosse de la duchesse de Chevreuse quitta une nouvelle fois la capitale pour l’exil.
À vrai dire, la jeune femme n’était pas trop inquiète, elle savait bien que sa disgrâce ne serait pas éternelle, car sa royale amie emploierait toute son influence pour la faire revenir plus tôt.
L’escorte de la noble dame galopait autour d’elle, sans s’apercevoir que derrière, à une distance respectueuse, un cavalier, emmitouflé dans un manteau gris, suivait la même route. D’ailleurs, le chemin du Roi était à tout le monde, et ce voyageur ne pouvait leur inspirer aucun soupçon.
Apprenant le départ de M me de Chevreuse, Durbec s’était dit qu’il n’aurait jamais meilleure occasion de retrouver la piste de Castel-Rajac et celle de l’enfant.
Sa haine couvait encore n’attendant qu’un hasard favorable pour s’assouvir. Il n’avait pas oublié le coup d’épée du chevalier.
Le voyage fut sans histoire. Trottant le jour, s’arrêtant la nuit, l’équipage de la duchesse, par étapes successives, ne tarda pas à gagner le village de Saint-Marcelin. On fit halte au Faisan d’Or.
Bien entendu, quelques instants après, Durbec, le plus discrètement possible, demandait à son tour une chambre.
Mais, à l’étonnement du chevalier, le lendemain, il n’y eut point d’ordre de départ.
– Ho ! ho ! grommela Durbec. Est-ce que par hasard, ma bonne étoile me favoriserait plus tôt que je ne le pense, et verrais-je arriver notre cher Gascon ?
M me Lopion, la brave hôtelière, se souvenait bien de la dame qui accompagnait Castel-Rajac et l’enfant, lors de leur premier voyage. Elle ne vit pas sans défiance survenir la belle inconnue. La malheureuse aubergiste se rappelait encore l’incursion des gardes du cardinal et le beau tapage qui en était résulté.
Ses craintes ne furent pas diminuées, lorsqu’à la brune, elle vit arriver à francs étriers un cavalier dont le chapeau était rabattu sur les yeux, ce qui ne l’empêcha point de reconnaître Castel-Rajac !
– Bonne Sainte Mère ! murmura la bonne femme en se signant plusieurs fois. Pour sûr qu’il va y avoir encore du grabuge !
Marie de Rohan, dès qu’elle avait su son ordre d’exil, n’avait rien eu de plus pressé que d’envoyer un courrier en porter la nouvelle à son amant, qui s’était réfugié sur la frontière espagnole, au petit village de Bidarray, avec l’enfant et ses deux inséparables compagnons, Laparède et Assignac.
Il avait été convenu que le Gascon retrouverait sa maîtresse à Saint-Marcelin, et là, l’escorterait jusqu’à leur nouvelle résidence, afin qu’elle voie l’enfant et puisse, à son retour à Paris, en porter des nouvelles à la mère.
Les
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