L'Homme au masque de fer
protection non seulement ce qui représentait la tête de la France, mais encore celle pour laquelle il avait un véritable culte : sa chère Marie.
Elle se trouvait dans la voiture de la reine. Gaëtan chevauchait avec d’Assignac d’un côté du carrosse ; le capitaine de Guissancourt occupait l’autre portière avec Laparède. Les autres mousquetaires galopaient à l’avant et à l’arrière.
Il y eut quelques murmures au passage du cortège. Quelqu’un hurla :
– Au feu, le Mazarin !
L’Italien, tout pâle, se rejeta au fond de la voiture.
– Eh ! mordiou, Éminence ! lui dit Castel-Rajac sans façon, ne vous montrez pas, ou je ne réponds plus de rien, moi !
Quelques exaltés firent mine de vouloir arrêter les chevaux. Mais le Gascon, à grands coups de plat d’épée, déblaya le chemin. Il clama :
– Gare, sangdiou ! la prochaine fois, ce sera avec le fil, que je frapperai !
Cette menace eut le don de faire refluer la foule immédiatement, et l’équipage, au grand galop de ses chevaux, passa sans encombre.
Ils arrivèrent sains et saufs au château. Là la Cour était en sûreté. L’orage s’apaiserait tout seul et, dans quelque temps, rien ne s’opposerait à un retour dans la capitale.
Pourtant, les choses durèrent plus longtemps que prévu.
– Cela ne peut continuer ainsi ! s’écria un jour la bouillante Autrichienne, alors qu’avec son amie inséparable, elles causaient des derniers événements qui les forçaient à rester à l’écart de la capitale. Il faut prendre un parti !
– Je n’en vois qu’un ! répondit la belle duchesse. Il faut appeler les Espagnols à notre aide !
Anne d’Autriche eut un haut-le-corps.
– C’est un parti dangereux !
– Mais nécessaire ! Les Espagnols ne vous refuseront certainement pas leur aide !
– Marie, il n’y faut pas compter ! Ce serait introduire l’ennemi en France !
– Que faire, lorsque vos propres amis vous trahissent ?
La reine hésita.
– Si nous déclenchons la guerre civile, les événements peuvent nous entraîner très loin…
– Anne ! préférez-vous rester éloignée de votre capitale longtemps encore ? Les factieux ont besoin d’une punition ! Les armées du roi d’Espagne sauront la leur donner !
– J’en parlerai au cardinal, dit enfin la Régente, partagée entre le désir de se montrer la plus forte dans ce duel engagé avec le Parlement et les mécontents, et la sagesse qui lui déconseillait une telle entreprise.
Mais lorsque Mazarin fut mis au courant de l’idée de la duchesse, il s’y montra catégoriquement opposé.
Certes, le Florentin avait bien des défauts ; il était cupide, avare et rusé, mais il était doué d’un grand bon sens, et soit attachement fidèle à la Régente et au petit Roi, soit parce que, devenu premier ministre, il sentait toute la responsabilité qui lui pesait aux épaules et entendait remplir sa tâche loyalement et au plus grand profit du peuple dont il avait la sauvegarde, il se refusa à entrer dans cette combinaison qui pouvait avoir pour la France les plus funestes et les plus dangereuses conséquences.
Le projet de la duchesse de Chevreuse fut donc repoussé et on n’en parla plus.
Pendant ce temps, Condé, qui avait pris la tête du mouvement insurrectionnel, s’occupait activement à lever des troupes dans le Midi. Il rencontra les troupes royales à Bléneau et les battit. Alors, il entra en maître dans Paris, à la grande fureur d’Anne d’Autriche.
Cependant, tous les maréchaux n’étaient pas hostiles à la royauté. Le brave Turenne se porta en hâte à la rencontre du prince victorieux. Parmi ses troupes se trouvait le régiment des mousquetaires, dont faisaient partie Castel-Rajac et ses deux amis.
Le choc eut lieu au faubourg Saint-Antoine. Et les troupes royales auraient été victorieuses, si la Grande Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans, n’avait fait tirer le canon de la Bastille sur l’armée régulière. Prise entre deux feux, celle-ci dut se retirer, à la grande fureur du Gascon et de ses compagnons.
– Sangdiou ! hurlait Castel-Rajac, est-ce donc que nous n’avons plus de sang dans les veines, que nous nous laissons battre comme des femmelettes, nous, les mousquetaires ?
Laparède, le voyant en cet état d’excitation, lui frappa amicalement sur l’épaule.
– Ce n’est pas ta faute, ni la nôtre, ni celle du corps où nous servons… La fatalité l’a
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