L'Homme au masque de fer
vers leur appartement respectif, ils se mirent en devoir de préparer leur départ avec toute la célérité dont ils étaient capables.
Il y avait à peine une semaine qu’ils étaient arrivés à Paris, lorsque l’atmosphère politique commença à se gâter.
Le nouveau cardinal-ministre avait commencé par augmenter les charges que supportait le bon peuple de France, ce qui, du premier coup, ne l’avait point rendu populaire. Le Parlement prit le parti des mécontents. Or le Parlement représentait une puissance avec laquelle il fallait compter.
Il parla haut et fort. La réponse ne se fit pas attendre : le lendemain même, les chefs les plus populaires et les plus influents furent arrêtés. Carton, Blancmesnil et Broussel furent incarcérés.
Ce fut, de la part du rusé Italien, un pas de clerc. Le peuple, qui grognait ou chantait lorsqu’on l’accablait d’impôts, se révolta carrément. Des barricades s’élevèrent.
Anne d’Autriche, fort effrayée, manda en hâte son ministre auprès d’elle.
– Qu’allons-nous faire ? s’écria la régente. Voyez ce qui se passe…
– Madame, répondit le Florentin, lorsqu’on n’est pas les plus forts, il faut céder. Donnez l’ordre d’élargir les prisonniers, en feignant d’agir par clémence pure. Le peuple en saura gré à Votre Majesté, s’apaisera, et les messieurs du Parlement vous seront également reconnaissants de ce geste plein de mansuétude.
– Comment ? s’emporta la reine, dont l’orgueilleux sang espagnol se révoltait à l’idée des concessions. Ce seront donc les factieux qui auront raison ?
– Que non. Madame ! sourit l’Italien. Ce sera chacun son tour de chanter la canzonetta…
Cependant, le ministre avait vu juste. Dès que les parlementaires furent élargis, le peuple mua ses menaces en clameurs d’enthousiasme, voulut porter Broussel en triomphe, et cria vive la reine et vive le premier ministre. Un vent de popularité soufflait.
Il ne dura pas longtemps.
Mazarin était patient. Lorsqu’il crut favorable l’occasion, il agit.
Le prince de Condé était un de ces grands seigneurs turbulents, actifs, pleins de feu et de courage, qui ne demandent qu’à dépenser leur ardeur. Il pouvait devenir un ennemi dangereux, car il commandait les troupes et était fort populaire dans l’armée.
Mazarin, par des promesses, le gagna à la cause royale. Mais Condé n’était pas seul. Longueville, Conti, Beaufort, Elbeuf, s’estimèrent lésés par cette brusque faveur, et, faisant cause commune avec le Parlement qui n’avait point désarmé, ameutèrent si bien l’opinion qu’un beau matin, la situation devint tout à fait menaçante pour la Cour.
– Nous pendrons ce faquin de Mazarin ! affirmait-on tout haut.
Mazarin tenait à son cou ; la régente tenait à Mazarin, pour des raisons qui n’étaient pas toutes d’État.
Aussi fallut-il aviser sans retard. Le ministre fit mander tout de suite dans son cabinet le lieutenant de Castel-Rajac, dont il connaissait le dévouement à la cause royale, et qu’il savait aussi homme de bon conseil.
– Mordious, Éminence, répliqua vivement le Gascon lorsqu’il fut mis au courant de la situation, il n’y a pas à hésiter ! Il faut mettre en sûreté Sa Majesté la Régente et le jeune Roi ! Espérons que tout ceci se réduira à une échauffourée, mais on ne sait jamais jusqu’à quelles extrémités peuvent se porter tous ces excités !
– J’y avais pensé, chevalier ! Je vais conseiller à Sa Majesté de fuir à Saint-Germain, où elle attendra avec le roi son fils la fin de cette ridicule aventure… Car ce n’est qu’une aventure, n’est-ce pas, monsieur le chevalier ?
– Naturellement, Éminence !
– Puis-je compter sur vous pour escorter le carrosse royal et le faire parvenir coûte que coûte et sans risque jusqu’à Saint-Germain ?
Castel-Rajac étendit la main.
– Sur le nom que je porte, Éminence, il en sera ainsi !
– C’est bien ! La Cour se mettra donc sous la protection des mousquetaires que vous commandez, chevalier. Nous partirons aussitôt que possible, aujourd’hui même…
Deux heures plus tard, quatre carrosses, dans lesquels avaient pris place la Reine, le Dauphin, M me de Chevreuse, quelques personnes de la suite et Mazarin, partaient au grand galop dans la direction de Saint-Germain, entourés par un détachement de mousquetaires dont Castel-Rajac avait pris la tête.
Il avait sous sa
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