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L'Homme au masque de fer

L'Homme au masque de fer

Titel: L'Homme au masque de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arthur Bernède
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l’ai vu bientôt entrouvrir sa porte, se glisser dehors, son épée nue sous le bras, et gagner la salle à manger, qui communique avec le salon par cette porte. Je lui ai donné le temps de bien s’y installer. Alors, grimpant sur un escabeau et regardant à travers un petit carreau placé au-dessus de la porte de la salle à manger qui donne dans le vestibule, je l’ai vu, toujours son épée sous le bras et l’oreille collée contre cette porte, en train d’accomplir son ignoble métier de mouchard.
    » Voilà pourquoi je me suis empressée de vous prévenir. »
    M me  de Lussey avait parlé assez bas pour ne pas être entendue par l’indiscret espion, et assez distinctement, cependant, pour que ni sa marraine ni le chevalier ne perdissent une seule de ses paroles.
    Lorsqu’elle eut terminé, M me  de Chevreuse la remercia d’un regard qui en disait plus long que tout un discours, puis, tout doucement, colla son oreille, non point contre la porte à deux battants, derrière laquelle elle supposait devoir se trouver encore le prétendu baron d’Espagnac, mais contre une autre petite porte basse qui, pratiquée dans la boiserie, se confondait avec elle, et dont l’espion ne pouvait soupçonner l’existence.
    Elle écouta un instant. Un grincement très significatif du parquet l’éclaira sur la situation et, se tournant vers Castel-Rajac, d’un simple geste, elle lui indiqua la serrure de la porte à deux battants, tout en se livrant à une mimique des plus expressives, qui signifiait très clairement :
    « Notre mouchard est là, et nous écoute ! »
    Un malicieux sourire entrouvrit les lèvres du Gascon. Tirant son épée du fourreau, il en introduisit la pointe dans le trou de la serrure et, brusquement, il avança le bras.
    De l’autre côté du battant, un cri perçant se fit entendre. Vite, Castel-Rajac ramena son épée vers lui. Quelques gouttes de sang en tachaient la pointe. Alors, il bondit sur la porte, repoussa le verrou, ouvrit l’un des panneaux et, l’épée au poing, se précipita dans la pièce en disant au policier qui, tout en se tenant en garde, rompait prudemment vers la sortie :
    – Or ça, monsieur le faquin, que faites-vous ici ?
    Effaré, le faux d’Espagnac continuait à rompre, mais le Gascon engageait son fer avec le sien et lui disait :
    – Ne croyez pas, monsieur le drôle, que je vais avoir l’honneur de vous blesser une seconde fois. Je ne me bats qu’avec de vrais gentilshommes.
    D’un coup sec, il désarma le mouchard, qui semblait n’avoir que des notions d’escrime fort approximatives. Et, l’empoignant aussitôt par le col de sa chemise il fit, en le secouant comme un prunier :
    – Pauvre imbécile ! Je ne félicite pas ceux qui t’ont envoyé à mes trousses. Quand on veut remplir l’emploi de coquin, on commence par être moins bête.
    Et, s’adressant à M me  de Lussey qui, avec M me  de Chevreuse, pénétrait dans la salle à manger il lui dit :
    – Vous aviez raison, madame, cet homme est un mouchard ; mais il ne me suffit pas de lui avoir fait une estafilade qui va lui permettre, maintenant, de porter une boucle d’oreille. Je veux encore le mettre hors d’état de nuire, sans toutefois lui ôter la vie. Pouvez-vous m’indiquer, madame, un endroit où je pourrais l’enfermer, sans qu’il puisse s’évader ?
    – Très facilement, chevalier, dans la cave !
    D’Espagnac, qui s’appelait, en réalité, Pierre Motin, et était bien un agent de la police secrète que Colbert venait de réorganiser et de placer sous la direction de M. de Durbec, eut un mouvement d’effroi.
    Castel-Rajac, qui le tenait toujours à la gorge, lui dit :
    – Monsieur, estimez-vous donc heureux que je ne vous étrangle pas comme un poulet.
    Et, se tournant vers la maîtresse de maison, il lui dit :
    – Veuillez, madame, me fournir les moyens d’immobiliser ce drôle jusqu’à ce que nous n’ayons plus à redouter ses indiscrétions.
    M me  de Lussey sortit aussitôt pour revenir quelques instants après avec une corde assez mince, mais très résistante, et un gros torchon de cuisine en toile grise.
    Après avoir ligoté et bâillonné Pierre Motin, qui, en proie à une frayeur considérable, n’avait pas manifesté la moindre velléité de résistance, Castel-Rajac, conduit et éclairé par M me  de Lussey, emporta dans ses bras, aussi facilement qu’il l’eût fait d’un enfant, l’émissaire de M. de Durbec,

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