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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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lancé !
    – Hélas ! Ce n’était que l’abbé Bexon, l’un de ses correspondants. Il m’a confié que l’illustre naturaliste était actuellement à Montbard en Bourgogne où il souffre fort de la chaleur et de ses yeux et se plaint que ses fruits à noyaux sont tous perdus.
    – Et quoi encore ?
    – J’ai trouvé le Parisien aimable et curieux. S’apercevant que j’étais étranger, chacun m’a témoigné beaucoup d’attentions et cela avec un naturel qui témoigne du fond chaleureux de ce peuple.
    – Hum ! Cela est encore à voir… Mais, as-tu fait quelques emplettes ? demanda Nicolas que l’enthousiasme de son ami distrayait et sortait, peu à peu, de sa morosité.
    – Oui, une canne-parasol pour ma femme Nahua, et des boîtes en écaille à l’hôtel de Jabac, rue Saint-Merry.
    – Un vrai Parisien !
    – Certes ! Les indications de l’ Almanach ont fait merveille. Quatre aunes de drap des Gobelins écarlate, deux aunes de damas de Lyon chenillé et une lunette d’approche acquise chez un marchand du quai de l’Horloge. Enfin, des livres…
    – Ah ! Et quels sont-ils ? demanda Noblecourt, affriandé.
    – Molière, Racine, La Fontaine, Montesquieu et quelques autres pour offrir à mes fils quand ils seront en âge et leur donner regret de n’être plus sujets du royaume de ces grands hommes.
    Un silence d’émotion passa.
    – Et point Voltaire ?
    Naganda sourit en regardant Nicolas.
    – Un mien ami m’a transmis ses réserves. Je suis au recul devant un auteur qui prend plaisir à composer des épigrammes sur une défaite des armées de son roi.
    – Bien, bien, dit Noblecourt un peu marri de voir ainsi traité son vieux condisciple. Je n’insiste pas. Messieurs, soupons-nous ensemble ?
    Il jeta un regard vers la rue Montmartre.
    – C’est l’heure, chacun rentre au logis.
    À ce moment, Catherine surgit, les poings sur les hanches.
    – Dressons-nous le zouper dans la bibliothèque ?
    – Vous précédez mes désirs, bonne Catherine. Naganda et Nicolas me tiendront compagnie. Y a-t-il céans de quoi les traiter dignement ?
    – Pour vous, monzieur, des blettes bouillies et votre combote de bruneaux, arrozées de l’eau claire de notre puits.
    – Pouah ! Les malheurs sont souvent enchaînés l’un à l’autre et la blette engendre le pruneau ! Et vous voulez faire partager ce festin à mes hôtes ?
    – Yo, yo, que non bas ! Bour eux, je leur brébare un bon betit en-gas.
    – Hors de ma vue, cruelle harpie !
    Catherine sortit en pouffant après un semblant de révérence. Jamais Nicolas n’aurait cru, quelques heures auparavant, qu’il prendrait part à une soirée dont il garderait le souvenir d’un moment rare d’équilibre et d’intelligence. L’hôte, stimulé par la présence de Naganda, brilla de tous ses feux et mena, de bout en bout, une conversation où il sut offrir à son invité l’occasion de déployer toutes les facettes d’un esprit brillant, curieux, émaillant ses propos des aperçus originaux d’un natif de l’Amérique. Nicolas, presque toujours silencieux, se complut à leurs échanges, et admira des joutes qui rappelaient, sous d’autres formes, celles qui, régulièrement, opposaient le vieux magistrat à M. de La Borde. Catherine les régala d’un reste de daube en gelée, allégée par une grande salade d’herbes aux œufs mollets. Ce plat de haut goût fut précédé d’un potage froid aux moules qui fit l’unanimité des convives, y compris Noblecourt, autorisé à tâter d’une
tasse de cette splendeur. À grands cris, Catherine fut priée d’en dévoiler la recette.
    Il fallait, dit-elle, se lever de bonne heure pour aller chercher les coquillages à la halle aux poissons, car rien n’était plus dangereux que ceux-ci s’ils n’étaient pas de la dernière fraîcheur. Et se méfier des harengères, femmes de caractère, dont le babil tonitruant pouvait dissimiler bien des pièges. Ces moules arrivaient dans la capitale, comme les huîtres, par des chalands qui remontaient la Seine depuis la Normandie. On les faisait ouvrir dans de l’eau, du cidre et des oignons piqués. Celles qui ne s’ouvraient pas étaient rejetées, l’honnêteté de la bestiole consistant justement à offrir aux regards un ventre gras, blanc et jaune tirant sur l’orange. On enlevait la chair des coquilles et on passait le bouillon. Quelques moules entières étaient conservées pour garnir le potage, les autres,

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