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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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si elle est encore de ce monde. J’entends votre étonnement. Je vais venir au fait.
    Elle sortit de sa manche gauche deux objets que, tout d’abord, Nicolas ne distingua pas et qu’il prit attendant des explications.
    – Vous trouverez dans ce rouleau, dit-elle, parlant vite et butant sur les mots, un brevet de lieutenant au régiment des carabiniers de Monsieur au nom de Louis de Ranreuil, page de la grande écurie, votre fils, et la finance 42 qui en justifie l’acquittement.
    – Madame, je…
    – Non ! Je n’y suis pour rien. C’est notre sœur qui a voulu cela. J’ai juste poussé un peu la chose auprès du roi. Vous le remercierez. Nul doute que votre fils honorera la tradition des Ranreuil. Bon chien chasse de race , comme aimait à le répéter le roi mon père. Mais ce n’est pas tout…
    Elle lui tendit un petit paquet carré enveloppé de papier et qui lui sembla fort lourd quand il le reçut.
    – Ceci, commun dans nos maisons, est l’œuvre de cette sœur à votre personnelle attention. Elle avait demandé, enfin… vous prie, de le toujours porter sur vous. Ne me posez pas de questions. Le carmel est lieu de silence et les secrets du monde n’y ont plus place. Monsieur le marquis, je prierai pour vous.
    Elle se leva, le regarda avec une intensité qui le frappa et disparut dans les profondeurs du couvent. Une main invisible tira le rideau derrière la grille. Il demeura un moment prostré dans son fauteuil, incapable de mesurer ce que signifiait ce que la princesse venait de lui confier. Enfin, il sortit. Il sentait dans la poche de poitrine de son habit le petit présent et dans sa main les rouleaux de parchemin. Sans rien voir autour de lui, et dédaignant les agaceries de Sémillante, qui manifestait sa joie de le revoir, il sauta en selle et partit au grand galop. Il dut surprendre la jument accoutumée à sa conduite courtoise, mais ferme. Son cavalier marquait d’habitude ses volontés par de douces pressions des cuisses, aussi s’étonna-t-elle d’être ainsi laissée à elle-même. Elle l’emporta à un train d’enfer sans qu’il parût s’en soucier. Ce n’est qu’à la porte Saint-Denis qu’il reprit conscience et que son esprit bouleversé tenta de mettre un peu d’ordre dans ses idées.

VIII
    Tribulations
    « Nous portons tous un démon qui nous tourmente. »
    Scaliger
    Au Grand Châtelet où personne ne l’attendait, il se reprit dans la solitude du bureau de permanence. Mille questions l’agitaient. D’abord il n’en examina aucune et se plongea dans la lecture des documents remis par Madame Louise. L’ Almanach royal pour l’année 1780 lui apprit que le régiment auquel Louis était affecté était commandé par le marquis de Poyanne, mestre de camp, au nom de Monsieur, comte de Provence. Il se promit d’interroger le maréchal de Richelieu sur l’intéressé. Nul doute que le frère du roi avait eu son mot à dire dans la dévolution si exceptionnelle d’un brevet de lieutenant. Certes, Nicolas mesurait l’honneur fait aux Ranreuil, mais il éprouvait quelque désagrément de savoir son fils sous l’autorité, même nominale, d’un prince dont il avait pu mesurer, naguère,
l’attitude pour le moins ambiguë et l’insigne fausseté.
    Que Louis fût brutalement jeté dans la carrière militaire flattait en lui l’orgueil du nom, mais la perspective d’une nécessaire séparation lui serrait le cœur. Le nouveau lieutenant devrait résider à Saumur où son régiment tenait garnison. Du moins serait-il à quelques lieues de l’abbaye de Fontevraud où sa tante Isabelle de Ranreuil était religieuse. Tous ces détails envisagés achevèrent de le calmer et lui firent reprendre une sérénité apparente. Il fut cependant étonné par le montant considérable de la finance déboursée pour cette nomination. Ainsi, le privilège et la faveur dispensés à Louis étaient-ils d’importance. D’ordinaire, une carrière militaire commençait par des grades de sous-lieutenant ou de cornette. Celui accordé à Louis dans un régiment d’élite donnait la mesure de l’influence de celle qui avait organisé ce coup de théâtre. Il remit à plus tard le soin de réfléchir à ce que cela impliquait.
    La peine et l’angoisse le reprenaient. Il sentait bien que ce fils qui lui avait été tardivement offert risquait de s’éloigner. Il prendrait son envol pour un destin auquel il aspirait avec une impétuosité conforme au sang généreux qui

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