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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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châtaigne. Le bougre lui bouffait et le gigot et l’os. Pour qui, pour quoi ? Elle enrage, le file, l’espionne, le fouille, le resuit et le perd. Depuis des jours plus de Jacques. Du coup elle se mange le sang, se pétrit d’angoisse, se furibonde et décide de venir consulter. Bon. Là-dessus je bats mon paquet. Tu
sais, le tarot ne saurait mentir, enfin quand il veut bien dire quelque chose. Là je ne croyais pas trop à ce qui allait en sortir. La prédiction exige la crise.
    – Tes scrupules t’honorent. Et la suite ?
    – Ne me saboule 63 pas.
    Elle s’adressa à Bourdeau d’une voix mourante.
    –  On a beau le prier,
    On ne rencontre en lui qu’un juge inexorable .
    – Peste ! On nous a changé notre Paulet. Où êtes-vous allé prendre cela ?
    – J’aspire désormais, minauda-t-elle, à orner mon art des formes qu’il requiert. T’as reconnu des vers du Corbeau ?
    – De Corneille, voyons !
    – Voilà ! Toujours il me bafoue. Qu’importe l’emplumé, c’est verjus et jus vert.
    Elle feignit de bouder. Une larme s’échappa, emportant mêlés du noir, du blanc et du rouge.
    – Pour en finir, j’me mets en mesure. Enfin c’te mesure pour une garce comme elle. Faut que j’aime pour une vraie crise. Alors là je commence à palinoder . Je cause de ce qui me vient par la tête en roulant des yeux blancs. J’entends des chevaux dans la rue. Ca m’inspire, j’me lance : Des chevaux, des chevaux, cheval anglais, mille cinq cents livres. Du feu ! Le frison, il a la morve. Voleur, voleur, tu me le paieras !
    Elle lui coula un regard aiguisé.
    – Ainsi, constata Nicolas, étiez-vous bien consciente et en train d’empaumer la pauvre d’un conte de votre invention ? Le tout, j’imagine, drapé de soupirs, hoquets, yeux tournés et jambes trépidantes. Vous voici revenue au bon vieux temps où vous donniez dans le théâtre.
    Les bajoues de la Pythie du faubourg remontèrent dans une grimace de dépit.
    – Plains-toi ! J’aurions pu ne point venir…
    – Seulement vous êtes là ! Et j’attends la suite de votre affaire.
    – Faut que tu saches, jeta-t-elle l’air dépité, que, pour toi, j’avais point mimé. C’était du sonnant et du trébuchant.
    – Je le sais.
    – Alors ? demanda Bourdeau que cette mine de connivence agaçait.
    – Alors ? repartit la Paulet. Qu’avais-je fait là ? Quel marmot qu’j’avais croqué ? À m’entendre, elle se mit à pousser des cris d’or frais…
    – Encore un oiseau !
    – Comment ?
    – Rien, poursuivez.
    – Et les cris et les hurlements de revenir. J’avais apparemment mis le doigt là où que ça faisait mal. Je m’apitoie et, bonne fille, j’la console et la cajole. Elle finit par m’avouer que j’avais dit la vérité, qu’elle savait bien où se trouvait son friponneau. Qu’il avait quelque mauvaise affaire sur le dos, rapport sans doute aux dettes qui l’accablaient, qu’il s’était battu avec un créancier, l’avait blessé et pour l’heure s’était réfugié dans la soupente d’une maison près du Marché aux Chevaux à la barrière Saint-Victor. Tu comprends que les cavaleurs entrés dans mon jeu et le sang l’ont convaincue de la vérité de mes jasements.
    – Mais, remarqua Bourdeau, que venait-elle te demander puisqu’elle savait tout ?
    – Justement, elle voulait s’en tirer et me venait demander protection. Elle était lasse de cette vie-là. Elle avait entendu d’anciennes pensionnaires à moi
parler de la vie douce que je leur menais. Moi, qu’je lui ai dit, j’ne suis plus au service.
    – Presque plus.
    – Non, non ! Mon nouveau négoce suffit à ma peine. Je refuse les demandes. Son godelureau hors d’état et menacé et son vieux dont elle est sans nouvelles, tout cela la révolutionne.
    – Et que lui avez-vous conseillé ?
    – De partir loin, de quitter Paris. De se refaire une position à Brest, à Lorient, à Cherbourg où la guerre conduit les officiers. Avec son minois et un peu d’habileté, elle trouvera vite chaussure à son pied.
    – C’est raison de lui tenir ce langage-là. Vous a-t-elle donné des précisions sur l’endroit où gît le lièvre ?
    – Je comprends, dit-elle avec un fin sourire, ce n’est plus des oiseaux, c’est du gibier pour l’heure ! La maison contre le pavillon qu’ton Sartine avait fait bâtir pour la police du Marché aux Chevaux, dans la rue qu’on nomme maintenant, tout change, rue du Jardin du

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