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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Roi.
    La Paulet fut remerciée et conduite avec tous les égards vers un fiacre qu’un vas-y-dire était allé quérir. Bourdeau et Nicolas confrontèrent leurs sentiments. Rien ne devait être laissé de côté, non que l’amant de la Lofaque soit en rien impliqué dans les enquêtes en cours, mais il n’en demeurait pas moins qu’il était l’acteur principal des séances vicieuses que l’honorable Tiburce organisait avec sa maîtresse. Son témoignage pouvait apporter des lumières inattendues sur la vie secrète du valet de feu M. de Chamberlin. Il fut décidé de pratiquer avec prudence. Tirepot, toujours présent dans les ruelles qui entouraient le Grand Châtelet, serait envoyé en enfant
perdu afin de vérifier avec ses moyens propres si le garçon tabletier était toujours dans sa cachette. La ville n’était pas si calme qu’on pût sans dommage déclencher des opérations de police dans les quartiers populaires où l’émotion pouvait éclater brutalement. L’exaspération suscitée par les événements du cimetière des Innocents retombait peu à peu. Il convenait de ne point ranimer des braises encore chaudes. Bourdeau, Rabouine et Gremillon, secondés par des exempts, se chargeraient de surprendre l’intéressé et de le ramener sans tapage au bureau de permanence où son interrogatoire commencerait sans désemparer.
    Bourdeau alla trouver Tirepot, laissant Nicolas seul et songeur. Il se mit à réfléchir au destin étonnant de la Paulet. Il la connaissait depuis toujours. Elle se confondait avec beaucoup d’aspects d’une ville qu’il aimait, y compris dans ses difformités. La première fois qu’il l’avait croisée, pouvait-elle avoir cinquante ans ? Qui le savait ? Peut-être pas elle-même. Aujourd’hui elle paraissait tutoyer la vieillesse dont elle présentait depuis longtemps déjà, en dépit des artifices, le visage. Comment la considérait-il ? Il l’imagina jeune fille jetée dans le creuset de la ville et parcourant la carrière de la galanterie. Comment et au prix de quels efforts avait-elle guidé sa barque jusqu’à la possession du Dauphin couronné  ? Toujours en deçà de ce qui aurait pu la conduire dans les maisons de force ou à Bicêtre, entretenant avec la police ces relations obligées et ambiguës, tempérées avec lui par l’absence de contreparties et de corruption, elle s’était maintenue coûte que coûte. Elle appartenait à ces portées malsaines qu’engendrait la capitale du royaume, ce léviathan insatiable. Y survivre équivalait à pactiser
avec le diable, un peu, beaucoup, par accès… Et peut-être lui-même aussi… Elle ne s’en était pas si mal sortie ! Maligne, habile à tisser sa pelote, image du vice tempéré par des qualités de compassion et de bonté dont elle usait à bon escient… Les filles qui avaient subi sa direction experte étaient sorties de ses mains avec regret. À sa manière et contrairement à beaucoup de ses semblables à Paris, la Paulet avait été presque maternelle avec elles.
    Nicolas était loin d’oublier son affection fidèle pour la Satin et pour Louis. Il mesurait sa force de fidélité et de droiture. Cette femme, réceptacle de tant de secrets honteux, avait tenu à honneur, le mot n’était pas trop fort, de se taire, de sceller ses lèvres à tout jamais, de garder comme un sacrement les circonstances de la naissance de son fils.
    Les déboires amoureux qui l’avaient agitée sur le tard apportaient encore une touche d’humanité à celle qui, comme tant d’autres, n’avait pas été épargnée par le siècle. La pensée de la vieille Émilie lui traversa l’esprit. Enfin ses multiples tentatives pour échapper à la malédiction de sa condition et le rôle étrange, et d’évidence bénéfique, que le destin lui avait depuis peu départi, ne laissaient pas d’interroger sur la nature profonde de la Paulet. Qui pouvait lui jeter la première pierre ? Au fait, elle méritait bien un peu qu’on lui baisât les mains.

XIII
    Justice
    « On n’est pas moins injuste en faisant ce qu’on doit faire, qu’en faisant ce qu’on ne doit pas faire. »
    Marc Aurèle
    Nicolas, à qui l’attente pesait et qui souhaitait mettre ses réflexions en branle par une bonne marche, sortit du Grand Châtelet. Il se sentait soulagé de n’avoir plus à appréhender des menaces que la mise hors d’état de nuire du notaire et de ses complices avait sans aucun doute dissipées. Guilleret, il traversa

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