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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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courage ! Il ne l’oublie certes pas.
    – Un ludion inconscient ! Je ne connaissais pas la chose…
    – Au vrai, la fureur l’habite. Tout faux pas qu’on lui prête est mis à son débit, alimente la cabale contre lui et le met à la géhenne. Et à la cour, gare au roulis ! Quelle que soit l’amitié que Sa Majesté lui porte, rien n’est jamais assuré et la dunette est proche des bouteilles 24 . Et quel moyen de crever l’aposthume ? La haine voltige de toutes parts sans se fixer jamais.
    L’amiral approcha son fauteuil et baissa le ton d’une voix que l’habitude de commandement et une dureté d’oreille avaient rendue fort haute.
    – Même ceux qui refusent à Sartine le talent et l’esprit lui accordent un sens aigu du commerce des hommes. Un seul coup d’œil lui découvre le fond des âmes, nous en avons fait cent fois le constat. Un visage, une contenance, lui dévoilent un caractère, des vices, des vertus. Vous en avez connu les effets lorsqu’il était à la tête de la police. Mais parfois, et de plus en plus souvent, il se trompe et s’égare dans son jugement. Les conséquences en sont alors redoutables, surtout quand il s’agit du choix d’une personne qui lui importait le plus de connaître pour l’employer utilement.
    – Serions-nous, par hasard, dans cette conjoncture ?
    – Hélas, j’en dois convenir ! Et la plus mauvaise. Il avait déjà commis l’erreur de n’accorder que trop sa confiance au comte de Paradès…
    – Que j’arrêtai en avril dernier et menai à la Bastille.
    – … Or la même erreur vient de se renouveler. En deux mots voici l’affaire. Il y a quelques années, un négociant de Bordeaux, M. Laffon de Ladebat, arme un vaisseau destiné au commerce de l’Inde et de la Chine. Son fils fait la connaissance d’un chevalier de Saint-Lubin, hâbleur et séduisant. L’homme avait trahi Aider Ali, notre allié, et trafiqué avec l’Anglais à Madras. Revenu en France, il est arrêté et embastillé. La guerre n’ayant pas encore éclaté avec l’Angleterre, on le relâche.
    – Et qu’advient-il du personnage ?
    – Les Laffon le produisent à Sartine qui s’extasie devant sa connaissance de l’Inde. Il devient l’homme nécessaire, que dis-je ? Le truchement indispensable. On le dépêche sur le vaisseau baptisé Le Sartine avec des quasi-lettres de créance. Le ministre
emporté d’enthousiasme consent à libérer pour six cent mille livres de fusils, canons, poudre et toutes sortes de munitions, le tout destiné à alimenter l’agitation et la résistance aux Anglais des souverains indiens.
    – Et qu’arriva-t-il ? J’appréhende le pire.
    – Et vous n’avez pas tort. La croisière s’engagea et bientôt Saint-Lubin dévoila son vrai visage. Il refusa toute aide aux princes nos amis. Et pour cause, il les avait précédemment trompés et volés. Il fit arrêter le capitaine…
    On gratta à la porte.
    – Mais le ministre lui-même vous contera la suite.

V
    Pièges
    « Il aurait fallu que mon cœur eût été ferré à glace pour se bien tenir dans un chemin si glissant. »
    Furetière
    Dans le grand bureau du ministre le désordre régnait. Une caisse de bois blanc ouverte, comme pillée, vomissait de la paille. Papiers et cartes s’entassaient sur les fauteuils. Des livres avaient été jetés à terre et au milieu de tout cela, Sartine, l’habit bas, semblait agité d’une crise qui consistait à essayer de dégager son pied d’une longue perruque grise, tout en feuilletant un épais in-quarto.
    – Ah ! dit-il, en apercevant Nicolas. Vous tombez à pic, mon bon. Aidez-moi, j’enrage.
    Nicolas se précipita pour libérer le ministre qui soupira d’aise.
    – Voilà que nos Insurgents , informés sans doute de ma passion, m’envoient une caisse de perruques faites à Philadelphie ; cela se voit ! Tout juste bonnes à frotter le parquet !
    Il décrocha un coup de pied vindicatif à la rebelle qui voltigea jusqu’à la cheminée.
    – Parlez-vous anglais ? Il me semble bien que oui. Jadis une mission à Londres, n’est-ce pas ?
    – Je le parle et l’écris, ayant reçu tout jeune les leçons d’un officier de la Navy , prisonnier sur parole chez mon père à Ranreuil. Blessé lors de la descente anglaise dans l’estuaire de la Vilaine, il s’ennuyait ferme et s’y était de tout cœur consacré.
    – Alors je requiers votre aide. Mais il me faut au préalable vous mettre au fait d’une

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