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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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à répondre de cela devant vous, mais la chose serait tellement naturelle que mon silence vaut réponse.
    – Peut-être avez-vous été informé de la mort de M. de Chamberlin, contrôleur général de la Marine honoraire ? Il est de vos connaissances, je crois ?
    L’homme demeura sans réaction, considérant le dôme du kiosque avec attention.
    – Je dois vous confirmer, si vous ne le saviez déjà, qu’il a été assassiné. D’aucuns s’interrogent sur le sort de certains de ses papiers.
    Pour le coup, M. de Sainte-James se leva.
    – Messieurs, je n’en ai que trop entendu. Je crains que ma pompe ne requière toute mon attention. Je ne saurais trop la laisser seule. Mais je pense que vous connaissez le chemin.

    De retour vers Paris, Nicolas demeura coi un long moment, puis, à la grande surprise de Bourdeau, éclata de rire en se frottant les mains.
    – Ne crois pas que nous ayons fait chou blanc. Il a laissé paraître plus qu’il n’en a dit. Il ne s’indigne
pas outre mesure que sa gestion soit mise en cause, mais l’évocation des papiers de Chamberlin le met à la géhenne. Il a tâché de se modérer, tout en se faisant violence pour ne point éclater. Il était pourpre.
    – Pour biaiseur qu’il soit, je suis de ton avis. La touche finale l’a bellement estoqué, quoiqu’il se tienne trop bien pour faire du carillon.
    – Et encore, je n’ai pas voulu lui indiquer d’autre endroit qui pût lui faire croire que j’en savais plus long. Tu verras, la graine a été jetée, elle mûrira peu à peu. Bientôt le trouble le tenaillera et pourrait bien se convertir en imprudence. Je suis persuadé qu’un précieux papier existe et qu’il suscite bien des inquiétudes.

VI
    Brouillement
    « L’issue en est douteuse et le péril certain. »
    Corneille
    Les petits yeux de la Paulet s’adoucirent en considérant Nicolas. Peste, d’évidence le temps n’était plus aux vaches maigres ! Ses affaires paraissaient enfin rétablies. Enveloppée d’une chenille chamarrée, elle trônait dans sa bergère, souriant d’aise, devant son guéridon couvert des lames du tarot. Son négoce nouveau, la vente éloquente d’un à venir incertain, avait transformé sa vie. La finesse apportée à ficeler ses prédictions, à les envelopper de certitudes issues d’une longue expérience des grandeurs et des turpitudes de l’âme humaine, lui avait acquis une pratique fidèle et de plus en plus nombreuse. Et d’ailleurs n’avait-elle pas prouvé, une fois du moins, une apparence de don ? Dans les salons, l’adresse de la consultation se passait en discrétion. Le rez-de-chaussée du Dauphin couronné profitait de cette nouvelle noto
riété et son décor, jusque-là vieilli et fatigué, accumulait, au goût du jour, laques et porcelaines montées, paravents et miroirs, qui ajoutaient encore au mystère de la pythonisse.
    Nicolas s’interrogeait. Il calcula qu’en 1760, à son arrivée à Paris, elle devait avoir dans les quarante-cinq ans, tout au plus. La soixantaine avait donc largement sonné. Son nouveau commerce paraissait l’avoir rajeunie. Se frottant au beau monde, elle en avait pris les allures. Son maquillage, moins appuyé, ne participait plus de cette débâcle de céruse et de rouge à laquelle elle l’avait accoutumé. Restait que sa défroque de devineresse – elle ne pouvait le leurrer sur ce point – gazait d’autres activités jamais vraiment délaissées. Les étages de la maison abritaient de discrètes tables de pharaon et, dans les chambrettes des combles, quelques filles de premier choix récupéraient les louis gagnés aux cartes.
    L’ensemble était discret, élégant, de bon aloi, et la Paulet continuait à faire en sorte de protéger son commerce. Comme jadis ses consœurs en Vénus, la Gourdan, la Mûle, la Bissault ou la Paris, la maîtresse de ce temple de luxure, grimée en Cassandre, s’attachait sans relâche à alimenter l’inspecteur chargé des mœurs d’informations et de signalements. Le commissaire était bien placé pour savoir que la police, dans l’impossibilité de tarir la débauche, cherchait, du moins, à en tirer les avantages qu’elle lui procurait en faveur du bien public ou de la sûreté du royaume. Qui fréquentait ce lieu pouvait être assuré d’être reconnu, espionné et désigné à qui de droit. Il frémit à la pensée que Louis, aujourd’hui page de la grande écurie, avait été l’enfant chéri de la maison. Quels

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