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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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mêler son jeu, le coupant et le recoupant, et d’en étaler les lames. Soudain, son attitude changea, elle pâlit, se mit à trembler, renversa la tête en arrière et glapit sur un ton lamentable :
    – L’ ermite , la roue … une chute… Nicolas, des périls… L’ arcane sans nom. Une révélation attendue depuis longtemps. Nuit et tempête… Est-elle morte ? Ah, oui ! La pierre qui pleure ! Une pierre… Changement, changement… Ah ! Des morts… Une deuxième fois elle donne la vie…
    Sa manière de vaticination achevée, elle s’effondra et parut perdre connaissance. Bourdeau et Nicolas
se précipitèrent pour la soutenir et lui faire avaler un peu de ratafia, ce qui eut pour effet de la faire aussitôt revenir. Étonnée, elle les considéra.
    – Vous êtes encore là, mes mignons ? Je vous croyais partis et m’être endormie.

    À la sortie du Dauphin couronné , Nicolas sembla bien assombri à Bourdeau.
    – Tu ne vas tout de même pas croire les contes bleus de cette vieille machine ? Elle a trop longtemps fait jouer la comédie pour ne pas savoir tirer sur certaines ficelles !
    – Et pour quelles raisons nous la chanterait-elle ainsi ?
    – Pardieu ! Pour la seule satisfaction de nous tromper. Cela fait cinquante ans qu’elle manipule les hommes comme des pantins de l’ancienne foire Saint-Ovide. Ne donne pas dans le panneau, la trame est transparente.
    – C’est, reprit Nicolas toujours soucieux, qu’elle m’a naguère fourni des raisons de ne pas mépriser ses avertissements. Te souviens-tu de mon affaire de la Samaritaine ? Elle m’avait mis en garde par des détails qui ne s’inventent pas.
    – Allons, le Breton transparaît sous le commissaire ! Nous sommes à Paris, que diable ! La raison y domine et les lumières président à nos travaux. Reprends-toi ! Qu’y a-t-il à tirer de son galimatias ? Autant régler sa vie sur l’ Almanach de Liège et concevoir un présage assuré de mauvais accident du bruit que font tes dents.
    Malgré lui Nicolas se mit à rire de cette philippique.
    – Tu as raison. Note que je t’envie d’opposer au destin un mur impénétrable. Heureux homme que le
doute ne taraude jamais. Moi, je galope toujours dans l’immensité des possibles. Vois-tu, l’océan, au voisinage duquel je suis né, m’y incline… Qu’allons-nous faire maintenant ?
    – Je propose de visiter le boudoir de la Lofaque. À cette heure-ci, les belles se lèvent et vaquent à leur toilette.
    Ils la trouvèrent en effet dans son entresol coquet de la Chaussée d’Antin, à peine vêtue d’un peignoir. Effrayée au début par leur arrivée, elle s’enveloppa aussitôt d’un air enfantin, minaudant à l’excès. Les diverses questions que Nicolas lui posait sur ses relations avec Tiburce Mauras, elle les éluda tout d’abord. Elle les divertit ensuite en multipliant les assurances de sa reconnaissance pour ce vieil oncle d’adoption, si généreux, qui l’avait tant aidée, qu’elle aimait comme un parent et à qui elle apportait les douceurs d’un foyer. Il venait parfois souper avec elle en famille. À la question de savoir si celle-ci était réduite à l’oncle et à la nièce, elle hésita un moment pour reconnaître finalement que, parfois, un ami participait à ces agapes. Comment s’appelait-il ? Jacques Meulière. Que faisait-il ? Il était apprenti tabletier au faubourg Saint-Marcel. Elle dévida, avec l’enthousiasme d’une passion réelle ou feinte, un discours sur les avantages et les activités du greluchon. Il fabriquait des trou-madame , petit jeu en ébène composé de treize arcades dans lesquelles on s’efforçait de faire entrer des billes. Ce dernier détail accrocha Nicolas qui demanda à la donzelle si elle possédait un exemplaire de ce jeu. C’était le cas et elle lui présenta l’objet. Nicolas constata benoîtement qu’il manquait des billes. Elle pensait qu’elles étaient tombées et avaient roulé sous les meubles. Il fit constater à l’inspecteur que
ces billes, des agates, étaient semblables à celle découverte sous le lit de M. de Chamberlin.
    La belle semblait à peu près sincère et, n’eût été le portrait brossé par la Paulet, elle aurait pu emporter la conviction des deux policiers. Cependant, leur expérience les incitait à penser qu’elle coupait la vérité de beaucoup d’à-peu-près. Elle estimait sans doute qu’en lâcher une petite part l’exonérait d’en dire plus

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