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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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lamenta l’artisan, qui me les paiera ?
    – Retirez-les sur-le-champ, avec précaution, avant que tout soit bouché.
    » Ensuite, ainsi que je l’ai déjà promis, des savants seront commis pour étudier la question. J’ose dire dès à présent que si nous ne voulons pas voir le drame se développer, il faut arrêter les inhumations, fermer le cimetière et désinfecter l’enclos et les sous-sols contaminés.
    Les assistants approuvèrent ses propos d’un long murmure. Il sortit dans la rue, suivi d’une cohorte révérencieuse et satisfaite. Il entra dans plusieurs maisons voisines, descendit dans les caves, constata partout les mêmes émanations. Il y avait urgence à sauver tous ces pauvres gens de cet air empoisonné et de ces effondrements. La foule entre-temps s’était dispersée, heureuse d’avoir grondé, hurlé, applaudi et, au bout du compte, assurée d’avoir été entendue.

    Nicolas se dirigea vers l’enclos des Innocents, le contempla un long moment. Du côté du charnier où travaillaient toujours les écrivains publics on apercevait en surplomb les croisées des maisons voisines. Il se demanda combien de corps avaient trouvé là leur dernière demeure depuis tant de siècles ? Le fossoyeur, interrogé un jour par curiosité, lui avait affirmé en avoir enterré quatre-vingt-dix mille depuis le jour, une trentaine d’années auparavant, où il était entré en fonction. À main gauche du charnier, au-dessus des fosses communes, il reconnut les murs aveugles qui marquaient les demeures de la rue de la Lingerie. Le sol du cimetière était exhaussé d’au moins huit pieds au-dessus du niveau des rues voisines. Il approcha du charnier dont les combles sous la toiture servaient d’abri à des milliers de crânes. Au-dessous, dans le passage derrière les stalles des écrivains, on décelait encore la fresque de la vieille danse macabre du xv e  siècle où les morts serraient les vivants, n’épargnant ni les puissants ni les misérables. Une vieille sentence le rappelait : Telz comme vous un temps nous fumes, telz serès-vous comme nous sommes.
    Il médita un moment ces phrases qui, devant la catastrophe du jour, résonnaient comme un menaçant écho. Leur froide constatation valait sagesse. Le moyen de lutter contre tant d’arguments, sinon n’y point penser ? Son regard soucieux fixait sans les voir les monuments, les chapelles, les pierres tombales, les croix et les lanternes des morts qui parsemaient le champ du repos, la plupart à moitié écroulés. Il rejoignit son carrosse et se divertit un instant à la vue de gamins qui jouaient aux billes sous la caisse. Il montait dans la voiture quand un homme s’approcha, tira son chapeau et le salua.
    – Monsieur, dit-il en s’inclinant.
    – Monsieur le commissaire, vous ne me connaissez point et pourtant moi je sais qui vous êtes. Nous avons un ami commun.
    – Vraiment ?
    Il n’appréciait guère ces mystérieuses entrées en matière. Pourtant l’inconnu n’était pas déplaisant. De belles proportions, il portait la tête avec dignité, les joues pleines, le nez spirituel, l’œil vif et le regard doucement incisif. La grâce et l’ironie paraient son visage. L’abord inspirait confiance. Nicolas qui aimait collectionner les âmes le rangea dans la catégorie des curieux bienveillants. L’homme ne manquait en tout cas pas de sagacité, car il lui sembla qu’il devinait le chemin emprunté par sa réflexion.
    – Ah ! Il semble à vous voir que le policier ne dort que d’un œil. Rassurez-vous, je suis un ami de M. Restif, le Hibou, qui vous tient en grande estime.
    – Je le tiens aussi…, murmura Nicolas avec un rire contenu.
    – Nous sommes deux piétons de Paris, lui de nuit, moi de jour ! Je marche, observe, écoute, interroge, note, jubile, rage, approuve, m’indigne – et j’en passe.
    – Bigre, monsieur, comme vous y allez ! Cependant, je ne vous connais point comme mouche. Où cela nous mène-t-il ?
    – Monsieur le commissaire, je dois avouer…
    – C’est sagesse, il vous en sera tenu compte.
    – Plaisantez ! Un jour peut-être vous m’arrêterez.
    Nicolas fronça les sourcils, le regard interrogateur.
    – Je me suis engagé dans une grande entreprise.
    – Une sédition ?
    – Que non point ! Ce n’est pas aussi grave, encore que cela pourrait donner des idées à certains.
    – Allons, si vous m’en parlez c’est que vous brûlez de me découvrir la chose et

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