Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
C’est en vous voyant étincelante et terrible que je me suis mis à vous adorer comme on adore l’éclair que Dieu met à ses nuées… et maintenant…
    Il râlait. Les paroles de flamme n’étaient sur ses lèvres sèches que des lambeaux informes à peine balbutiés, mais dont Isabeau rétablissait le sens. Elle se mit devant une porte latérale et s’y appuya.
    – Vous êtes tel que je vous voulais. Quand vous serez duc de Bourgogne…
    Un affreux tressaut le secoua. Mais, paisible, jouant avec ses bracelets, elle poursuivit :
    – Quand votre père sera mort, quand votre femme Marguerite de Hainaut sera morte, quand mon mari Charles sixième sera mort…
    Elle suspendit cette effroyable énumération d’hécatombe. Et lui, livide, buvait ses paroles, pantelait sous la flamme de son regard. Et elle acheva :
    – Alors nous unirons le duché de Bourgogne au royaume de France, et avec nos armées nous rétablirons l’empire d’Occident…
    Alors, en même temps que l’amour, l’ambition forcenée se réveilla chez Nevers. Empereur ! Maître du monde chrétien !
    Et dans cet instant Isabeau se révéla tout entière. L’œil en dessous, le sourire aux lèvres, elle acheva :
    – Alors, Nevers, alors je serai à vous !…
    – Alors ?… interrogea Jean sans Peur avec un rire sinistre.
    – Alors seulement ! dit-elle.
    – Tout de suite, gronda Nevers d’une voix rauque de folie passionnée. Tu es à moi !… Je te prends !…
    Ses deux mains violentes, frénétiques, s’abattirent sur les épaules d’Isabeau. Elle n’eut aucun mouvement de résistance. Seulement, d’un geste rapide, elle ouvrit la porte à laquelle elle s’appuyait, et appela doucement :
    – Impéria !… Ma belle Impéria !…
    Dans une chambre faiblement éclairée, Nevers, pétrifié d’épouvante, vit le fauve élégant et terrible qui, sur un tapis, étira d’abord ses pattes de devant, puis sa longue échine robuste et souple, puis se ramassa pour bondir, la gueule ouverte, les griffes au vent… Impéria !… la tigresse favorite d’Isabeau de Bavière !…
    Le magnifique félin, brusquement, se détendit, et d’un seul bond vint tomber aux pieds d’Isabeau. Jean sans Peur tira sa dague… Il était livide. Mais il se criait : « Si je faiblis, si je recule d’un pas, elle va me tuer de son mépris d’abord, et me livrer ensuite à ce fauve… »
    Isabeau, un instant, le considéra en dessous, et elle sourit.
    Près d’elle la tigresse attendait, le mufle levé vers Jean sans Peur, et son souffle chaud, jetait dans l’air une légère buée grise.
    – Tu vois ? dit Isabeau avec une étrange douceur. C’est un ami. Allons, fais-lui une caresse…
    Alors, la tigresse la regarda quelques secondes – et elle s’aplatit… elle rampa… gronda… s’approcha de Jean sans Peur et, lentement, d’un mouvement de souplesse exquise et effroyable, se frotta à lui…
    – Bien… très bien, ma belle Impéria… vous êtes vraiment belle et je vous aime !
    Isabeau, rapidement, se baissa, et sur le mufle tiède du grand fauve mit un baiser violent. Puis elle se redressa et prononça :
    – Allez, maintenant, allez, ma jolie Impéria…
    Un instant après, la porte était refermée, la vision avait disparu, et Jean sans Peur, les oreilles bourdonnantes, le cœur à la gorge, vaincu, dompté, se courbait devant Isabeau plus encore sans doute pour cacher sa terreur que pour faire acte d’obéissance. Et Isabeau alors, d’une voix rude :
    – Un appartement vous a été préparé au palais de Beautreillis. Pour cette nuit, Nevers, vous êtes l’hôte de Charles Sixième et d’Isabeau. Allez… allez, vous aussi. Demain matin, vous me donnerez votre réponse. Si vous m’avez comprise, si vous êtes digne de moi, si vous êtes l’empereur que rêve l’impératrice Isabeau, demain vous partez pour Dijon. Le jour où j’apprendrai la mort de Marguerite de Hainaut, Charles VI tombera… Allez, Nevers, songez à ce qu’il y a d’amour, de grandeur et de majesté dans la femme qui vous a appelé pour vous dire : « Je t’aime !… »
    Ce dernier mot, elle le prononça avec une si suave douceur que Jean sans Peur sentit son cœur se remettre à battre avec violence. Mais quand il se redressa la reine avait disparu…
    Alors un long soupir, où s’exhalaient la peur, l’amour et l’ambition, gonfla sa poitrine, et il sortit du palais de la reine ; mais ses jambes tremblaient et sa

Weitere Kostenlose Bücher