L'Iliade et l'Odyssée
lendemain matin Ulysse sortit dans la cour
et pria Zeus, les mains levées. Car bien qu’Athéna lui fût apparue
dans la nuit et lui eût promis le succès, il était inquiet du
combat inégal qui allait venir.
Eumée, le porcher, arriva bientôt, conduisant
trois beaux porcs ; il dit une parole cordiale à Ulysse. Le
chef des pâtres, qui amenait des chèvres grasses, s’arrêta pour
serrer la main du vieux mendiant et lui dire un mot aimable.
Moutons et chèvres grasses, pourceaux et
génisses furent bientôt abattus. Et la viande rôtie, avec des
corbeilles de pain et du vin, fournit suffisamment de nourriture
aux prétendants rassemblés.
Télémaque plaça un siège pour Ulysse près du
seuil de la salle, et le servit là, lui promettant à haute voix
protection contre toute insulte.
Mais Athéna ne voulait pas que le repas se
passe tranquillement. Les prétendants se moquèrent d’Ulysse, et le
tournèrent cruellement en ridicule. Télémaque n’avait cure de leurs
paroles. Il attendait que son père donne le signal de
l’attaque.
Mais ce fut Pénélope qui intervint la
première. Elle entra dans la grand-salle et s’arrêta près d’une
colonne, son voile fin devant le visage. Derrière elle venaient des
serviteurs, portant le grand arc d’Ulysse, un carquois plein de
flèches, et les douze haches qu’elle voulait utiliser dans
l’épreuve qui déciderait de son choix.
« Écoutez-moi, hommes qui m’avez fait la
cour – prétexte pour tenir des festins sans arrêt, d’un bout de
l’année à l’autre dans cette maison. Voici le grand arc d’Ulysse.
Quiconque pourra le tendre et faire passer une flèche à travers les
trous de ces douze haches, avec lui j’irai, et je quitterai cette
maison qui renferme pour moi tant de souvenirs heureux. »
Télémaque parla alors : « Pour
prouver que je suis un homme, et que je puis m’occuper de mes
affaires si ma mère se remarie et s’en va, je vais essayer de
bander cet arc. »
Il se leva, rejetant son manteau pourpre et
son épée. Il creusa une tranchée, y plaça toutes les haches en
ligne droite, et foula bien la terre autour des manches.
Puis il essaya l’arc. Trois fois il se pencha
sur lui de tout son poids et le fit vibrer. Mais il ne put mettre
la corde en place ; et à la fin Ulysse lui fit signe d’y
renoncer.
« Ah ! dit Télémaque, je serai donc
toujours un homme sans vigueur ! Voyons si vous, qui êtes plus
âgés et plus forts, pourrez tendre cet arc. »
Léodès l’aruspice, qui s’asseyait toujours au
fond de la salle, s’avança le premier. Ses mains délicates ne
purent même pas courber l’arc, et il retourna bientôt à sa
place.
« Cet arc viendra à bout d’un plus fort
que moi ! dit-il. Maint homme ici a espéré épouser Pénélope.
Mais quand il aura essayé cet arc, il s’en ira faire la cour à une
autre femme, j’en suis sûr. »
« Sottise, dit Antinoos. Tout cela parce
que toi, tu es incapable de tendre cet arc ! Allumons un grand
feu dans cette salle, approchons-y un bon siège recouvert d’une
peau. Puis apportons un gros morceau de suif ; nous
chaufferons cet arc et le graisserons bien, et ce jeu sera bientôt
fini. »
Le feu fut allumé ; on plaça le siège à
côté et l’on apporta le suif. Les jeunes hommes essayèrent tour à
tour de réchauffer l’arc et de le tendre, mais aucun ne put le
faire plier. À la fin, seuls Antinoos et Eurymaque, les chefs de la
troupe, n’avaient pas encore essayé.
Entre temps Eumée et le fidèle pâtre étaient
sortis ensemble, et Ulysse, qui attendait cette occasion, les
suivit.
« Si Ulysse revenait, dit-il,
prendriez-vous son parti, ou celui de ces
prétendants ? »
Le pâtre répondit aussitôt : « Par
Zeus, fais-le rentrer chez lui ! Tu verras alors la force de
mon bras. » Et le porcher dit la même chose.
Sûr de leur loyauté, Ulysse leur dit :
« C’est moi, Ulysse, qui suis de retour dans ma propre demeure
après vingt ans. Vous pouvez voir cette cicatrice que m’a faite un
coup de défense de sanglier ; elle vous prouve que c’est bien
moi. Si vous voulez vraiment m’aider, attendez que je demande à
essayer l’arc à mon tour. Les prétendants le refuseront
certainement. Alors toi, Eumée, tu me le donneras. Et si les dieux
nous accordent de détruire ces hommes, je vous établirai tous les
deux dans de belles maisons et je vous donnerai à chacun une
épouse. »
Les deux loyaux serviteurs fondirent
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