L'Iliade et l'Odyssée
Prélude – Scène 1 : L’aède et son
public
Un jour, il y a près de trois mille ans, un
navire peint de brillantes couleurs entrait dans un port du pays
qui s’appelle encore la Grèce.
Sur le pont du navire se trouvait un homme
enveloppé d’un grossier manteau de poil de chèvre. Sous son
manteau, il tenait une lyre finement ouvragée. C’était la chose la
plus précieuse que possédât cet homme, qui était un aède errant. Il
voyageait d’un endroit à l’autre, chantant des poèmes qui
racontaient les exploits de héros célèbres.
La nouvelle de son arrivée se répandit
rapidement. Les premiers à en être informés furent les pêcheurs qui
raccommodaient leurs filets sur le rivage. Ils envoyèrent en hâte
un jeune garçon à la ville qui était bâtie sur la colline. Il
appela les sentinelles qui montaient la garde aux
remparts :
« Un aède est ici, leur dit-il. Il arrive
à l’instant de Smyrne, à bord d’un vaisseau rapide. »
Les sentinelles crièrent la nouvelle dans les
rues grouillantes de monde. Sur le seuil de leurs cabanes de
pierre, les artisans qui travaillaient le cuir et le métal
sourirent en tirant leurs aiguilles et en soulevant leurs marteaux.
Ils transmirent le message aux commerçants et aux fermiers de
passage, rassemblés sur la place du marché au centre de la
ville.
Réunis ce jour-là sur la place pour décider de
certaines lois, se trouvaient aussi les chefs de la ville, les
hommes qui possédaient des terres. À leur tour, ils apprirent la
venue de l’aède. Ils se rendirent aussitôt auprès du roi de la
ville qu’ils trouvèrent assis sur son banc de pierre sculptée.
Peu de temps après, le roi annonça qu’il
donnerait un banquet à son palais, au sommet de la colline. Tout le
monde était invité à prendre part au festin et à venir écouter le
chant de l’aède.
Des esclaves se mirent à préparer le repas.
C’étaient les habitants de villes conquises, ou les femmes et les
enfants de soldats ennemis tués au combat. Ils firent rôtir la
viande sur des broches, emplirent des corbeilles de pain,
mélangèrent du vin avec de l’eau et des épices.
Quand tout fut prêt, l’aède fut installé à la
place d’honneur : un siège recouvert d’un tapis épais et
moelleux. Et, après le festin, il accorda sa lyre et commença à
chanter. C’étaient de très longues histoires qui étaient chantées
et non pas récitées : des histoires d’hommes et de dieux, de
guerres et d’aventures, où la réalité se mêlait à la légende.
À cette époque même, les histoires étaient
déjà vieilles. Elles n’avaient jamais été écrites, car il n’y avait
pas de livres en ce temps-là. Mais un aède les apprenait de la
bouche d’un autre aède, et elles restaient ainsi vivantes pendant
des centaines d’années.
Les dieux tenaient autant de place que les
hommes dans ces histoires. Les hommes d’autrefois vivaient proche
de la nature et ils croyaient que tout dans la nature était
l’oeuvre des dieux sous une forme humaine. Les arbres, les
rivières, les vents, les mers, la terre elle-même, tout avait ses
dieux.
Les dieux étaient commandés par Zeus, le dieu
du ciel. Zeus parlait par la voix de la foudre. Dans son palais du
Mont Olympe, environné de nuages, les dieux s’assemblaient pour
leurs banquets, tout comme les habitants d’une ville s’assemblaient
au palais de leur roi.
Zeus avait une femme jalouse, Héra, et de
nombreux enfants. Parmi eux était le jeune Apollon, le dieu du
soleil, et sa timide soeur jumelle, Artémis, déesse de la lune.
Tous deux pouvaient frapper les hommes, en tirant sur eux des
flèches de maladie. Il y avait encore Athéna, la plus intelligente
des déesses, l’habile boiteux Héphaïstos, Déméter, déesse de la
terre, et Poséidon, dieu de la mer.
Les dieux ne pouvaient jamais mourir. Ils
étaient capables de voler dans les airs, de changer de forme, et
même de se rendre invisibles. Mais ils étaient changeants comme la
nature. Un dieu pouvait aider un homme un jour et se tourner contre
lui le lendemain. Aussi les hommes bâtissaient-ils des temples et
des sanctuaires dans chaque ville, et faisaient-ils aux dieux des
prières et des sacrifices. Et les aèdes ne manquaient jamais de
parler des actions des dieux dans leurs histoires.
Chaque aède racontait ses histoires à sa
façon, et le plus grand d’entre eux fut Homère. Il fut un des
meilleurs conteurs de tous les temps, et le premier
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