L'Iliade et l'Odyssée
Ulysse
décocha une seconde flèche qui lui perça la poitrine. Son épée
s’échappa de sa main et son front heurta le sol au moment où la
mort lui obscurcissait les yeux.
Ensuite, Amphinomos se précipita sur Ulysse.
Télémaque le frappa par derrière, de sa lance, qui le perça de part
en part et l’abattit sur le sol.
Télémaque n’osa pas prendre le temps de
retirer son épieu. Il courut chercher dans la réserve des
boucliers, des lances et des casques pour lui-même et son père,
n’oubliant pas des armes pour les deux serviteurs fidèles, le
porcher et le pâtre.
Quand il revint, les morts
s’entassaient : chaque flèche d’Ulysse en faisait un. Ulysse
posa son arc contre une colonne, mit son bouclier et son casque, et
saisit deux javelots. Puis ses trois amis et lui fondirent sur les
prétendants, les massacrant jusqu’à ce que le plancher fût inondé
de sang.
Seuls furent épargnés l’aède, qui avait été
forcé de jouer et de chanter pour les prétendants, et le héraut
Médon, depuis longtemps ami de Télémaque. Ulysse leur sourit, et
les envoya attendre dans la cour, loin du massacre.
Tous les prétendants étaient morts. Ulysse fit
le tour de la salle, pour être sûr qu’aucun ne s’était caché pour
échapper à la mort. Puis il ordonna à ses serviteurs de sortir les
cadavres et de nettoyer les tables, les sièges et les
planchers.
On brûla ensuite du soufre pour purifier
l’air, et Ulysse envoya sa vieille nourrice dire à Pénélope que son
mari était de retour.
L’Odyssée – Scène 19 : La paix
Éveillée d’un profond sommeil, Pénélope ne
voulut pas d’abord croire à la nouvelle, car elle avait trop
longtemps attendu. Mais, à mesure qu’elle écoutait, les larmes
coulaient le long de ses joues, et l’espoir grandissait en
elle.
Elle franchit le seuil et entra dans la
grand-salle où elle s’assit sur son fauteuil au coin du feu. Ulysse
était de l’autre côté. Il restait silencieux, les yeux fixés au
sol, attendant de voir ce qu’elle allait faire. Pénélope fut
incapable de parler pendant quelques instants. Mais ses yeux
détaillaient l’inconnu en haillons, cherchant à retrouver en lui le
mari qu’elle avait connu.
Télémaque s’impatienta. « Comme tu as le
coeur dur ! s’écria-t-il. Pourquoi ne t’approches-tu pas de
mon père et ne lui parles-tu pas ? »
« Mon enfant, dit Pénélope, mon coeur est
paralysé et je ne peux pas trouver mes mots. Mais si c’est vraiment
Ulysse, nous nous reconnaîtrons bientôt, car il y a entre nous des
secrets que personne d’autre ne connaît. »
Ulysse sourit à ces paroles. « Laisse ta
mère tranquille, Télémaque. Qu’elle me mette à l’épreuve. Réfléchis
plutôt à ce que nous devons faire pour maintenir la paix,
maintenant que nous avons tué les plus beaux jeunes gens
d’Ithaque. »
« C’est à toi de décider, dit Télémaque.
Nous te suivrons. »
Comme toujours, Ulysse avait une idée.
« Lave-toi, change d’habits et fais s’habiller en grande
toilette les servantes. Que l’aède prenne sa harpe et joue des airs
joyeux. Que la maison soit pleine du bruit de la musique et de la
danse : les voisins croiront qu’il y a ici une noce. Nous ne
devons pas laisser transpirer la nouvelle de la mort des
prétendants, avant que nous ayons gagné la maison de mon père
Laerte. Nous verrons alors quels projets les dieux nous
inspirent. »
Ce plan fut exécuté sans délai. Les hommes
mirent des tuniques neuves, et les femmes leurs plus beaux habits.
L’aède prit sa harpe et créa bientôt une ambiance de chants et de
danses joyeuses.
Les gens qui passaient dans la rue
s’attardaient un instant et se disaient : « Un de ces
jeunes gens épouse donc enfin notre reine. »
La vieille nourrice avait maintenant baigné
Ulysse et l’avait frotté d’huile. Il avait mis une belle tunique et
un beau manteau. Athéna s’en était aussi mêlée. Elle l’avait rendu
plus grand et plus beau que jamais, faisant onduler ses cheveux et
répandant une nouvelle grâce sur ses traits. Il ressemblait plus à
un dieu qu’à un mortel quand il revint s’asseoir en face de sa
femme devant le feu.
« Femme étrange ! lui dit-il.
Sûrement les dieux t’ont donné un coeur de pierre. Eh bien,
nourrice, fais un lit pour moi, puisque je vais dormir
seul. »
« Oui, Euryclée, dit Pénélope. Sors son
grand lit de la pièce qu’il a lui-même construite, et mets-y
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