L'Impératrice indomptée
sais combien ses traits peuvent s’illuminer lorsqu’il éprouve une joie. La chère petite ne se doutait nullement de l’impression profonde qu’elle avait provoquée chez Franzi. C’est seulement lorsque sa mère lui en parla qu’elle sortit de la timidité craintive que lui avait inspirée cette nombreuse assemblée. »
Sissi se sent en effet si nerveuse qu’elle ne peut rien avaler, expliquant à la femme de chambre : « Néné s’en tire bien, parce qu’elle a déjà rencontré beaucoup de monde dans sa vie. Mais pas moi. Et je sens que je n’arrive absolument pas à manger. » Dans son trouble, pas un instant elle ne remarque que l’empereur montre bien plus de prévenance à son égard qu’à celui de son aînée.
Pourtant, le comte Corti, futur fidèle de l’impératrice, note dans ses souvenirs qu’« à l’embarras de la jeune fille se mêle déjà un rien de plaisir et de triomphe : sans avoir été influencé, en toute liberté et indépendance, l’empereur a daigné lui accorder son attention, à elle plutôt qu’à une autre. L’après-midi, l’empereur est à nouveau chez sa mère, il ne peut s’intéresser à autre chose et c’est à sa mère seule qu’il peut en parler. Déjà, on décide que le soir, au bal, il dansera le cotillon non avec Néné, comme il était prévu et comme l’exigerait l’étiquette, mais avec Sissi, et ceux à qui il est arrivé de danser à la cour savent ce que cela veut dire. »
Il y a donc bien un vrai coup de foudre chez le jeune empereur d’Autriche. Il suffit, aujourd’hui, de regarder les photographies d’Élisabeth pour comprendre l’éblouissement de François-Joseph. Les cheveux de Sissi tombent en boucles fauves jusqu’à ses genoux. Son cou est d’une finesse rappelant le « port » célèbre de Marie-Antoinette. Ses yeux bruns sont à demi cachés sous de grandes paupières frangées de cils recourbés. Son nez est droit comme celui d’une statue grecque. Le front est délicatement bombé. La bouche est dessinée pour le sourire... Grande, souple, mince, mais avec de délicieuses rondeurs, Élisabeth est faite à ravir. « C’est Diane chasseresse ! » murmure l’empereur. Sissi sourit, et alors, deux adorables fossettes se dessinent sur ses joues nacrées.
François-Joseph est donc sous le charme. Cette attirance braque à jamais Sophie contre une jeune fille qu’elle n’a pas choisie elle-même. Et cela, dès les premiers jours. Quand l’empereur, au lieu d’ouvrir le cotillon avec Hélène, le fait avec Sissi, l’archiduchesse n’a qu’une phrase : « Ludovica, tu recommanderas à ta fille de mieux se brosser les dents. » La guerre est déclarée. Étincelant dans son uniforme blanc, rouge et or de feld-maréchal, François-Joseph danse éperdument avec l’élue de son coeur, à qui le grand chambellan offre sur ordre toutes les fleurs du cotillon.
Aucun doute n’est permis désormais. C’est Sissi, et non Néné, qui est choisie. Tandis que cette dernière arbore une magnifique toilette confectionnée pour la fête, Élisabeth, elle, traitée comme Cendrillon, porte un costume des plus simples, fabriqué de toutes pièces par sa femme de chambre. L’archiduchesse Sophie, elle-même, ne peut s’empêcher d’être impressionnée par le charme de sa nièce. « La tenue de la petite est si gracieuse, si modeste, si irréprochable, si mignonne, presque humble quand elle danse avec l’empereur. Elle était comme un bouton de rose qui s’épanouit sous les rayons du soleil, lorsqu’elle était assise à côté de lui pour le cotillon... Seule la foule l’intimidait. » Ainsi décrit-elle ses impressions à sa soeur Marie.
Le lendemain, l’empereur prie ardemment sa mère de demander la main de Sissi à la duchesse Ludovica. Sophie voit ses beaux projets s’évanouir. Elle avait certes pressenti quelque chose de grave, mais n’avait pas envisagé que son fils prenne l’affaire si au sérieux. Elle insiste en soulignant à nouveau les qualités d’Hélène : elle est intelligente, raisonnable ; c’est déjà une personne solide, alors qu’Élisabeth est encore à moitié une enfant qu’il faudra éduquer. Mais François-Joseph est amoureux. Si Sophie trouve absurde le choix de son fils, elle finit par l’accepter. Car elle sent pour la première fois chez l’empereur une détermination très nette, contre laquelle sa volonté risquerait de se briser. Elle se dit d’ailleurs, et
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