L'Impératrice indomptée
souci pour l’avenir de sa fille qu’elle s’en ouvre à un étranger, l’aide de camp Weckbecker : elle avoue ses craintes devant la lourde tâche qui attend Élisabeth, à peine sortie de l’enfance ; et s’inquiète aussi du jugement sévère que pourraient porter sur elle les dames de l’aristocratie viennoise. Bientôt, il apparaîtra qu’elle n’avait que trop raison.
La cour commande vite un portrait de la future impératrice. François-Joseph assiste aux séances pour la distraire et il ne cesse de la regarder. L’artiste n’a encore jamais peint, dit-il, un si délicieux visage. Le plus extraordinaire, c’est qu’il ne s’agit pas du tout d’une flatterie. La jeune fille en éprouve un très grand plaisir et, à la fin du séjour, se sent presque heureuse. Seule la mère de l’empereur l’inquiète un peu. Cette dernière la regarde quelquefois de côté, avec un oeil critique, et lui fait souvent des remarques.
Pourtant, Sophie, aussi inflexible soit-elle, est à même de comprendre la joie pure d’un bonheur amoureux. N’a-t-elle pas connu, pendant son adolescence, une passion pour le duc de Reichstadt, le fils de Napoléon ? Sans doute pense-t-elle en cet instant à l’adolescent altier et gracieux qui la charma. Elle était alors sa confidente, l’amie de son coeur et de ses ambitions. Elle voyait en lui le fils de Napoléon, et ils pensaient s’aimer toujours. Ensemble, ils ont interrogé les grands sphinx féminins couchés dans les jardins du Belvédère, d’où l’on découvre l’entière ville de Vienne : « Dites-nous la bonne aventure. » Mais leur amour se heurta à la raison d’État. D’ailleurs, l’Aiglon était malade. On la maria alors à François-Charles, archiduc d’Autriche. Le 6 juillet 1832, l’archiduchesse Sophie, mère du futur empereur François-Joseph, met au monde son second fils, l’archiduc Maximilien. Après avoir baptisé l’enfant, l’archevêque d’Erlau fit une visite au duc de Reichstadt et dissimula à grand-peine la douloureuse impression que lui fit le malade. Le duc croyait souffrir de la maladie qui avait emporté son père à Sainte-Hélène. C’était son idée fixe. Il s’affaiblissait. Le 21 juillet, il balbutie : « Den Tod will ich ! » (« Je veux la mort ! »). Sophie se précipita et s’agenouilla à son chevet. Lorsqu’elle voulut se relever, elle retomba à genoux sur le prie-Dieu : l’Aiglon s’était consumé. Flamme, il avait brûlé d’amour pour son père, d’attachement pour sa mère : il avait brûlé de vouloir guérir, d’être libre, aimé, compris, reconnu français. Flamme enhardie par le vent du sort, il s’était brûlé lui-même et, de la fin tragique de cet amour pur, Sophie ne se remit jamais, mettant un point d’honneur à ne plus être romantique, fragilisée par ses sentiments ou touchée par les passions du coeur.
Bientôt, le duc Max arrive à Ischl pour se joindre à la félicité familiale, à la plus grande joie de Sissi. Ainsi, elle réussit à bouleverser tous les plans soigneusement dressés par sa mère et par l’archiduchesse Sophie. Max plaint sa fille d’avoir une telle belle-mère. Il se désole de penser qu’on attend de sa charmante petite fille qu’elle devienne la réplique de sa tante alors que son caractère et son tempérament la rendent complètement impropre à ce rôle. Mais il est beaucoup trop égoïste pour s’inquiéter longtemps de ce qui lui arrive et, s’il éprouve quelques craintes, elles sont dissipées à la vue de la figure joyeuse que montre Sissi.
Ludovica, elle, rayonne. Ce beau parti servira de précédent pour ses quatre autres filles. Elle aura moins de succès avec ses fils. Mais le résultat reste assez impressionnant, même pour une faiseuse de mariages de son calibre. Louis, le fils aîné, renoncera à ses droits royaux pour épouser une actrice, Henriette Mendel. L’unique enfant du couple, Marie-Louise, avait déjà quatre ans au moment de leur mariage, ce qui, à l’époque, fit scandale. Ludovica ne s’habituera pas à pareille mésalliance. Charles-Théodore, son fils favori, un grand médecin, éminent ophtalmologiste, pionnier de l’opération de la cataracte, épousera sa cousine, la princesse Sophie de Saxe, mais sera veuf très tôt ; il épousera en secondes noces une infante du Portugal, la princesse Marie-José de Bragance. Cette dernière mettra au monde plusieurs enfants dont la duchesse
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