l'incendie de Rome
carrières sous le Capitole, une région qui avait été épargnée par l’incendie. C’était un endroit particulièrement sinistre où certains chefs étrangers vaincus avaient été exécutés en secret. Vercingétorix était le plus illustre d’entre eux.
Les chrétiens ne provenaient pas tous de la maison de Paul. D’autres renseignements et dénonciations avaient permis d’en arrêter dans toute la ville. En tout, ils étaient environ trois cents, répartis dans trois gigantesques cellules en forme de cloche, très hautes de plafond au centre et très basses aux extrémités. C’était là qu’ils attendaient leur sort.
Dans la première d’entre elles, les prisonniers s’étaient groupés autour de Pierre et de Paul. Ils étaient abattus, mais c’était moins à cause de leur situation présente que de l’incendie. Ils avaient tous cru que c’était le signe du retour de Jésus sur terre. À présent, ils devaient reconnaître qu’il n’en était rien et leur déception était immense. Paul se mit en devoir de les réconforter. Il allait de l’un à l’autre, de sa démarche disgracieuse, sur ses jambes arquées, répondant aux questions.
— Ce n’était donc pas le grand embrasement ?
— Cela ne veut pas dire que le Seigneur ait renoncé à venir. Il le fera un jour, plus tard.
— Nous ne serons plus là.
— Nous serons morts, mais il a dit qu’il viendrait pour sauver les vivants et les morts.
— En attendant, qu’allons-nous devenir ?
— Des martyrs, c’est-à-dire des témoins.
— De quoi veux-tu que nous témoignions ?
— De notre certitude en la vie éternelle. Nous montrerons à tous que la souffrance et la mort ne sont pas une épreuve, mais une récompense.
Ces paroles eurent le don d’enflammer les courages. En un instant, ils étaient tous prêts au sacrifice. Honorius, le médecin, prit la parole, il n’y avait pas d’amertume dans sa voix, simplement une grande surprise :
— Pourquoi ce jeune homme nous a-t-il trahis ?
— Parce que Dieu l’a voulu. C’est lui qui l’a mis sur notre chemin.
— Je ne l’aurais jamais soupçonné. Il avait l’air si sincère !
— Moi, j’ai eu des doutes.
— Alors, pourquoi n’as-tu rien dit ?
— Il fallait que la volonté du Seigneur s’accomplisse. Pourquoi a-t-il permis que Judas le trahisse ? Pour mourir sur la croix et racheter les péchés des hommes.
On se tourna vers Pierre.
— Toi, tu as connu Judas. Comment était-il ?
— C’était le plus aimable et le plus gai des compagnons. Personne ne se serait méfié de lui.
Les chrétiens demandèrent alors à Pierre, le seul d’entre eux qui l’ait connu, de leur parler de Jésus. Ils multiplièrent les questions et l’apôtre leur répondit. Entendre ainsi évoquer la vie du Seigneur leur donnait des forces et du courage… Ils s’étaient tous groupés au centre de la cellule où le plafond était si haut qu’on le voyait à peine et où s’ouvrait l’unique soupirail. Une seule personne était restée à l’écart. Délia s’était repliée sur elle-même à l’extrémité, là où la voûte prenait naissance et où on ne pouvait pas se tenir debout, et elle pleurait en silence…
La lourde porte s’ouvrit en grinçant. Une troupe de soldats fit irruption. Un officier lança d’une voix brutale :
— Il y a des citoyens romains, ici ?
Une douzaine de chrétiens, dont Paul, s’avancèrent ; tous les autres étaient des étrangers, des affranchis ou des esclaves. Paul donna brièvement l’accolade à Pierre, le Galiléen ; Honorius et sa femme embrassèrent leur petite domestique Caria. L’officier fit mettre un terme à ces manifestations, puis ricana à l’attention du petit groupe qui venait de se former :
— Vous avez de la chance ! Comme citoyens, vous ne pouvez pas être soumis aux tortures et aux supplices…
Il se tourna vers le reste des chrétiens.
— Lequel d’entre vous est Pierre ?
Ce dernier s’avança à son tour.
— Toi, suis-moi ! Les autres, en route !
Ils quittèrent la cellule. Les citoyens, les non-citoyens et Pierre partirent dans trois directions différentes.
Les citoyens furent conduits dans une autre cellule de la prison Mamertine, à un étage plus élevé. Elle était plus confortable, moins sinistre. Une fenêtre munie de barreaux donnait sur les premières pentes du
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