L'industrie de l'Holocauste Reflexion sur l'exploitation de la souffrance des juifs
avait été convaincu par l'industrie de l'holocauste, qui avait façonné ses croyances sur le modèle du pouvoir et du profit. Au fur et à mesure que les représentations de l'holocauste devenaient plus absurdes, ma mère aimait à citer Henri Ford (avec une ironie volontaire) : « Foutaises que l'histoire ! » Les récits des « survivants de l'holocauste » - tous des détenus des camps de concentration, tous des héros de la résistance - étaient source d'un amusement désabusé à la maison. Il y a longtemps que John Stuart Mill a admis que les vérités qui ne sont pas sans cesse remises en question « cessent d'avoir l'effet de la vérité, et se transforment en mensonge à force d'exagération ».
Mes parents s'étonnaient souvent que je sois tellement indigné par la falsification et l'exploitation du génocide nazi. La réponse la plus simple est qu'on l'utilise pour justifier la politique criminelle de l'état d'Israël et le soutien des États-Unis à cette politique. Il y a aussi un motif personnel : je m'inquiète du souvenir de la persécution de ma famille. La campagne actuelle de l'industrie de l'holocauste visant à extorquer de l'argent de l'europe au bénéfice des « victimes nécessiteuses de l'holocauste » a ramené les dimensions morales de leur martyre au niveau d'un casino de Monaco. Même en dehors de ces préoccupations, cependant, je demeure convaincu qu'il est important de conserver - de lutter pour - l'intégrité du récit historique. A la fin de ce livre, je suggérerai qu'en étudiant l'holocauste nazi, nous pouvons apprendre beaucoup non seulement à propos des « Allemands » ou des « Gentils » mais à propos de chacun de nous. Cependant, je pense qu'à cette fin, pour tirer un enseignement réel de l'holocauste nazi, sa dimension physique doit être réduite et sa dimension morale élargie.
Trop de moyens publics et privés ont été investis dans la commémoration du génocide nazi. La majeure partie du résultat est dépourvue de valeur; c'est un tribut non aux souffrances juives mais à la glorification juive. Le temps est venu depuis longtemps d'ouvrir nos cœurs aux souffrances du reste de l'humanité. C'est la leçon essentielle que ma mère m'a léguée. Je ne l'ai jamais entendue dire : « Ne compare pas. » Ma mère comparait toujours. Il est incontestable que des distinctions doivent être faites en histoire. Mais établir des distinctions morales entre « nos » souffrances et « les leurs » est un travestissement moral. « On ne peut pas comparer deux peuples malheureux, disait Platon avec beaucoup d'humanité, et dire que l'un est plus heureux que l'autre. » Face aux souffrances des Noirs américains, des Vietnamiens et des Palestiniens, le credo de ma mère a toujours été : nous sommes tous des victimes de l'holocauste.
Norman Finkelstein Avril 2000 New York
LA CAPITALISATION DE L'HOLOCAUSTE
Chapitre 1 :
La capitalisation de l'holocauste
L Y A quelques années, au cours d'un échange célèbre, Gore Vidal accusa Norman X Podhoretz, qui était alors rédacteur en chef de la revue du Comité juif américain Commentary, d'être anti-américain ^ Les preuves en étaient que Podhoretz accordait moins d'importance à la guerre de Sécession - « le seul grand événement tragique qui ait encore un sens pour notre République » - qu'aux préoccupations juives. Podhoretz était cependant plus américain que son accusateur. Car, dès cette époque-là, « la guerre contre les juifs » était une figure plus centrale dans la vie culturelle américaine que « la guerre entre les états ». La plupart des professeurs de collège peuvent témoigner que comparé à la guerre de Sécession, beaucoup plus d'élèves situent l'holocauste nazi dans le bon siècle et, en général, ils citent le nombre de morts. En fait, l'holocauste nazi est à peu près la seule référence historique qui ait cours dans les amphis aujourd'hui. Les sondages montrent que beaucoup plus d'Américains connaissent l'Holocauste que Pearl Harbour ou la bombe atomique d'Hiroshima.
Jusqu'à une période très récente, cependant, l'holocauste nazi n'avait qu'une place minuscule dans la vie américaine. Entre la fin de la seconde guerre mondiale et la fin des années soixante, seule une poignée de livres et de films évoquait le sujet. Il n'y avait qu'une université aux États-Unis pour enseigner la matière^ Quand Hannah Arendt publia Eichmann à Jérusalem, en 1963, elle ne pouvait faire
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