Liquidez Paris !
une poésie sur l’automne ? C’est risible. « Idiots ! » hurle Hitler.
L’état-major de la XV armée écoute, irrésolu, les mystérieuses paroles.
« Ici Londres, ici Londres. Nous continuons les messages personnels : « Les fleurs sont d’un rouge sombre. Je répète : Les fleurs sont d’un rouge sombre. *
C’est le signal des réseaux de Normandie.
« Je continue : « Hélène épouse Joé. Hélène épouse Joé. »
Signal pour toute la région de Caen. Instantanément les ponts sautent, les voies aussi, les lignes téléphoniques sont sabotées. A la XV e armée, on ne doute pas une seconde qu’il ne s’agisse de quelque chose de sérieux.
– Vous y comprenez goutte, Meyer ? demande avec inquiétude le général von Salmuth.
Depuis trois jours la radio de Londres s’était tue, et voilà que le speaker est devenu intarissable.
« Nous continuons nos messages : « Les dés sont jetés. Je répète : Les dés sont jetés. »
Des sentinelles allemandes sans méfiance sont poignardées ; les cadavres disparaissent sans laisser de traces dans les marais et les trous d’eau. « Jean pense à Rita. Je répète : Jean pense à Rita. » Le speaker parle lentement avec une pause entre chaque mot.
– Vous entendez ce crétin ? grogne Porta avec humeur. Jean pense à Rita. Encore un con, ce comique du micro. Jean pense à Rita. Vous les connaissez ces deux-là ?
– C’est un code, explique Heide qui sait toujours tout. Moi aussi j’ai travaillé à la radio. On envoyait ce baratin-là.
« Le dimanche les enfants s’impatientent. Je répète : Le dimanche les enfants s’impatientent »
C’est pour ceux de la Résistance qui attendent les parachutistes en Normandie.
« Ici Londres. Nous enverrons d’autres messages dans une heure. >
N OUS enveloppons les morts dans une bâche avant de les enterrer et plaçons près de chaque corps une canette de bière vide qui contient les papiers personnels de l’homme. Tôt ou tard, on aura besoin de cimetières de héros ornés de grands monuments en granit, et de longues files de croix portant les petites plaques au nom de ces héros. Aussi vaut-il mieux savoir qui l’on exhume d’un fossé ou d’un champ de pommes de terre. D’où la canette.
Les cimetières de héros sont nécessaires. Que montrerait-on demain aux jeunes recrues ? Tenez ! Les voici nos héros. Sous cette croix repose le fantassin Paul Schultze, un brave à qui une grenade a arraché les deux jambes, mais il a continué à se battre contre l’ennemi qui menaçait d’anéantir l’avant-poste. Le fantassin Schultze a sauvé le régiment, et puis il est mort dans les bras de son commandant, l’hymne national aux lèvres.
Il faut que chaque nom inscrit sur chaque croix soit correct, sans ça quels actes héroïques aurait-on sous la main quand on aura oublié la défaite ? Pourtant il y a des morts privés de la fameuse canette, car plus d’hommes sont tombés qu’on ne possédait de bouteilles. Pourtant Dieu sait si l’on boit ! Dans l’après-midi, une demi-heure de repos après les ensevelissements, puis opération de déminage.
C’est le travail que nous haïssons le plus car la vie est diablement courte pour un détecteur de mines ! Le progrès s’y est mis : ce sont les mines magnétiques qui explosent à l’approche du moindre bout de métal. Aussi avons-nous laissé tout ce qui est métal, jusqu’aux boutons qui sont remplacés par des bouts de bois. Comme les bottes de caoutchouc manquent, il faut se contenter d’envelopper les souliers avec des lambeaux de toile, mais notre groupe a eu de la chance : Porta s’est approprié une paire de bottes américaines en caoutchouc jaune clair – un trésor sans prix sur lequel nous veillons comme s’il s’agissait d’or pur ; et c’est bien plus que de l’or, c’est notre salut.
Impossible de compter sur le détecteur de mines qui sonne sans arrêt. Il sonne pour le moindre morceau de métal ce qui nous agace et nous rend négligents. La pire des choses. Quand on travaille aux mines, trois points sont capitaux : prudence, méfiance et soin. Là où on s’y attend le moins, le piège vous guette. Ce fut Rommel qui inaugura ce genre-là, et c’est satanique. On ouvre une porte, ça explose en pleine figure ! Une corde à linge avec une rangée de pinces telle une famille d’hirondelles. Bien innocent ! La corde vous barre un peu le chemin, on l’arrache et la terre
Weitere Kostenlose Bücher